Tension entre les USA et l’Arabie saoudite
Les USA viennent de perdre un allié précieux dans le dossier syrien : le prince saoudien Bandar ben Sultan ne veut plus coopérer avec les Etats-Unis, en signe de protestation contre leur politique au Moyen-Orient. En cause : le refus d’Obama d’attaquer la Syrie et le redémarrage des relations USA-Iran. La manœuvre n’est pas anodine : les Saoudiens ont même refusé leur place au Conseil de sécurité des Nations unies alors qu’ils venaient de l’obtenir. Ce conflit avec l’Arabie saoudite pourrait marquer une grande défaite géopolitique de la Maison blanche, écrit le jeudi 24 octobre le quotidien Kommersant.
Le prince Bandar ben Sultan a fait part de ses intentions au port de Djeddah face à un groupe de diplomates européens. « Un tournant décisif nous attend : les Saoudiens ne veulent plus être dépendants des USA », a déclaré le prince Bandar, qui fut ambassadeur à Washington pendant 22 ans. Il était, jusque là, l’un des politiques saoudiens les plus appréciés par l’Occident.
D’après une source diplomatique, cette distanciation avec les USA s’accompagnerait d’une réorientation vers les alliés régionaux et la France, qui adopte une position plus ferme que Washington sur la question syrienne. Enfin, pour expliquer son refus inattendu de siéger au Conseil de sécurité des Nations unies, où l’Arabie saoudite a été admise pour la première fois la semaine dernière, le prince a déclaré : « Ce signal ne s’adresse pas à l’Onu mais aux USA ».
D’autres politiciens saoudiens influents ont aussi durci leur discours à l’égard des USA, confirmant que les propos du prince n’étaient pas une improvisation. « Toute cette pitrerie sur le contrôle international de l’arsenal chimique d’Assad n’aurait été qu’un épisode ridicule si elle n’avait pas été aussi une flagrante trahison », a déclaré le prince Turki al-Fayçal.
Ce conflit sans précédent entre les Etats-Unis et leur principal allié du Golfe est au centre de l’actualité de la semaine. Il a significativement influé sur l’issue de la conférence des « Amis de la Syrie » à Londres, en présence du secrétaire d’Etat John Kerry et du ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Saoud al-Fayçal. Dans ce contexte, l’opposition syrienne n’a toujours pas accepté de participer à la conférence de paix Genève-2.
L’administration Obama préfère éviter d’exacerber la confrontation avec Riyad. « Nous comprenons que l’Arabie saoudite soit déçue que l’opération militaire en Syrie n’ait pas eu lieu mais nous comptons sur la poursuite de la coopération, a déclaré John Kerry. Je suis persuadé que l’Arabie saoudite et les USA resteront amis et alliés. »
Ce ne sera pas simple : les directions prises par Washington et Riyad s’éloignent de plus en plus. L’influence des islamistes radicaux se renforce en Arabie saoudite et la dynastie dirigeante doit en tenir compte. Manœuvrant entre l’Occident et les fondamentalistes radicaux, le monarque saoudien est contraint de faire de plus en plus attention aux seconds. Comme en témoigne la position radicale sur la Syrie, partant de la nécessité d’y renverser le régime laïque.
Le conflit avec l’Arabie saoudite pourrait marquer une grave défaite géopolitique de la Maison blanche. Car ce pays abrite la plus grande base américaine du Golfe et joue un rôle clé dans la sécurité énergétique de l’Amérique en empêchant l’effondrement des cours pétroliers mondiaux. De plus, la majeure partie des actifs saoudiens – pour le montant astronomique de 690 milliards de dollars – est libellée en titres de valeur américains.
Source: Rianovosti