Survivre à une morsure de serpent
Les vipères fuient les hommes. Dans l’hexagone, un serpent qui mesure plus de 90 cm n’est pas une vipère mais une couleuvre, il est de ce fait inoffensif. Les conseils et recommandations en cas de morsure du Docteur Vonick CHENU, médecin Anesthésiste-Réanimateur, ancien Chef des Services Urgences et Réanimation, Centre Hospitalier de DAX 40010.
Risques
On dénombre de 1 000 à 2 000 morsures de vipères par an en France (vipera aspis et vipera berus)
- 10 % des morsures s’accompagnent d’une envenimation ;
- 10 % des envenimations sont potentiellement graves ;
- 1 à 3 décès par an ;
- les vipères possèdent plus de venin au printemps, les envenimations sont plus fréquentes en avril/juin.
Prévention
Pour toute promenade en montagne ou en forêt :
- avoir un téléphone portable et connaître le 15 ou le 18 ;
- chaussures fermées, pantalons ;
- si vous faites du camping, ne pas coucher à même le sol et examiner vos vêtements et vos chaussures le matin ;
- au cours de la promenade, frapper le sol en avançant (la vipère est sourde mais sensible aux vibrations) ;
- avoir un minimum de matériel de premier secours : eau oxygénée, Dakin ou produit iodé ainsi que des bandages légers et du paracétamol.
Morsure
- douleur vive sur le moment avec une sensation de piqûre ;
- deux petites lésions cutanées punctiformes espacées de 6 à 8 mm (quelquefois une seule) ;
- quelquefois une goutte de sérosité ;
- on a vu ou non le serpent, on a su ou non le reconnaître ;
- 10 à 15 minutes plus tard, peut apparaître une réaction oedémateuse au niveau de la morsure, puis du segment de membre intéressé, enfin de tout le membre ;
- l’aspect de la peau peut se modifier : tâches ecchymotiques ou purpuriques…
- peut s’accompagner d’agitation (ne pas donner de café ou d’alcool et/ou d’excitant car augmente la diffusion) ;
- les formes graves sont en général dues à la pénétration directe du venin dans une veine ;
- si absence d’oedème et de douleur, il n’y a pas d’inoculation de venin : 20 à 30 % des morsures sont dites « sèches ».
Bilan de la morsure
La classification de la morsure en fonction des signes cliniques conditionne la surveillance et le traitement. Voici les différents grades :
Grade 1 – Pas d’envenimation :
- marque des crochets ;
- absence d’oedème ;
- absence de réaction locale.
Grade 2 – Envenimation minimale :
- oedème local autour de la morsure ;
- absence de symptômes généraux ;
Grade 3 – Envenimation modérée :
- oedème régional (membre) seul ou accompagné de symptômes généraux modérés (hypotension passagère, vomissements, diarrhée).
Grade 4 – Envenimation sévère :
- oedème étendu et/ou symptômes généraux sévères (hypotension prolongée, sueur, choc, saignements, vomissements, diarrhée…).
Bien noter le grade pour le transmettre au 15 !
Complications
- surinfection ;
- tétanos ;
- douleur ;
- troubles de la coagulation.
Gestes d’urgence
1. allonger la victime ;
2. calmer la victime : toute excitation augmente la vitesse de diffusion du venin ;
3. nettoyer et désinfecter la morsure ;
4. poser un bandage sans compression ;
5. enlever bagues, bracelets …
6. contacter le 15 pour suite à donner et transport éventuel ;
7. si transport : immobiliser le membre mordu ;
8. si douleur : paracétamol (ne pas utiliser d’aspirine).
NE PAS FAIRE :
- ne pas utiliser – éther, alcool : risque d’augmenter la diffusion du venin ;
- ne pas utiliser de sérum antivenimeux : risque de réaction allergique important ;
- jamais de garrot : augmente l’anoxie, l’oedème et favorise l’action locale du venin ;
- ne pas inciser ou aspirer ou cautériser ;
- aspi venin semble peu efficace.
Mise en observation et hospitalisation
Grade 1 – Surveillance locale
Grade 2 – Hospitalisation :
Mise en observation 24 heures car risque de forme retardée.
Grade 3 et 4 – Hospitalisation :
- surveillance urgences/soins intensifs ;
- surveillance des paramètres ;
- traitement de la douleur ;
- couverture antibiotique ;
- prévention du tétanos ;
- mise en place d’une sérothérapie : sérum antivenimeux constitué de fragments F(ab’)2 d’anticorps équins, pasteurisé et purifié en perfusion intraveineuse selon un protocole très précis ;
- traitement des troubles de la coagulation.
Séquelles
- oedème pendant plusieurs semaines ;
- douleur résiduelle ;
- nécrose tissulaire ;
- rarement troubles neurologiques : parésies résolutives de la musculature de la face et oculaire (ptôsis, ophtalmoplégie, troubles de l’accommodation) – vipera zinnikeri ;
- insuffisance rénale ;
- oedème pulmonaire due à un mauvais pronostic.
Morsures de vipères sur les animaux
Conseils du Docteur Paul, vétérinaire en Sologne :
Reconnaître la morsure :
- 2 trous de morsures (crochets de la mâchoire sup) espacés d’environ 1 cm ;
- gonflement très important.
Conduite à tenir :
- ne jamais mettre de garrot ;
- aspi venin sans intérêt ;
- appeler son vétérinaire pour prévenir qu’on arrive et garder son calme.
Les animaux résistent généralement bien au venin.
Le risque majeur est une infection et des troubles respiratoires si la morsure est sur la gueule ou le museau.
Si cela se passe pendant le week-end appeler son vétérinaire qui donnera le numéro du vétérinaire de garde.
Si le vétérinaire est loin, vous pouvez donner des corticoïdes à la dose de 2 mg/kg.
Les morsures sont souvent plus méchantes en début de saison car les poches à venin sont plus remplies.
Les complications d’une morsure de vipère sont des troubles de la coagulation qui peuvent intervenir pendant 4 à 7 jours et une possible insuffisance rénale pendant 3 à 4 jours.
Certains chiens ou chats très choqués sont gardés sous perfusion pendant 24 à 48h. 90 % repartent chez eux aussitôt mais doivent subir un contrôle après 48 heures.
Particularités du venin de vipère
Le venin est inoculé au moyen de 2 crochets mobiles qui sont repliés en arrière lorsque la gueule est fermée et qui basculent en avant lorsque la gueule est ouverte.
C’est la vipère qui contrôle elle-même l’injection ou non de venin. C’est un liquide huileux de couleur jaune ambrée dont la quantité varie en fonction de l’activité et de l’âge de la vipère.
Composition
Les toxines
Leur rôle principal est de tuer rapidement la proie :
- les neurotoxines peuvent entraîner des convulsions, des crampes, des paralysies (notamment une paralysie des muscles respiratoires) ;
- les myotoxines peuvent entraîner des nécroses musculaires au niveau de la morsure ;
- les hémotoxines peuvent entraîner des troubles de la coagulation, et une hémolyse.
Les enzymes
Elles assurent la prédigestion des tissus. Certaines de ces enzymes sont responsables de la douleur.
Conclusion
L’action des enzymes et des toxines agissent sur la circulation, l’appareil respiratoire, l’appareil gastro-intestinal et le système nerveux. Le rein est aussi touché par des troubles hémodynamiques et de coagulation. L’envenimation générale se situe dans un délai assez bref (5 à 15 mn) mais peut aussi arriver tardivement au delà des 24 heures.
Source: Pratique.fr