Rien ne va plus en Tunisie
La Tunisie a repris son souffle. Du moins la ville historique de Kaïrouan et la capitale. Hier, était un jour comme d’habitude. Comme si rien ne s’est passé la veille. En ce début de semaine, la vie a repris son cours mais tout le monde appréhende cette accalmie après une confrontation acharnée, la veille, entre salafistes, voyous et les forces de sécurité. C’est le pari gagné de Lotfi Ben Jeddou, ministre de l’Intérieur qui a, du moins, levé l’ambiguïté en se disant déterminé à lutter contre Ansar Charia, cette mouvance désormais qualifiée de “terroriste”. C’était le calme plat, hier, dans les quartiers dangereux Attadhamoun et Intilaka, à 7 km à l’ouest de Tunis.
Le calme y régnait et aucune présence policière particulière n’y était visible. Les heurts de dimanche y ont fait, selon le ministère de l’Intérieur, un mort parmi les manifestants et 18 blessés dont 15 policiers. Alors qu’un autre blessé est encore en réanimation, a-t-on appris. Selon une source policière, un deuxième manifestant a été tué. L’organisation salafiste djihadiste assure, cependant, que ces deux victimes n’ont aucune appartenance politique.
Le ministère de l’Intérieur assure que le deuxième décès “n’est pas lié aux affrontements”. Dans la ville de Kaïrouan, 70 militants salafistes ont été interpellés. Le porte-parole d’Ansar Ashariaa, Seifeddine Raïs, a été arrêté dimanche, selon son organisation et une source sécuritaire. Enfin, samedi soir, Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a exprimé son soutien à Ansar Ashariaa, tout en appelant les militants tunisiens à faire preuve “de sagesse et de patience”. “Ne vous laissez pas
provoquer par le régime et sa barbarie pour commettre des actes imprudents qui pourraient affecter le soutien populaire dont vous bénéficiez”, a déclaré Abou Yahia al-Shanqiti, membre du comité d’Al-Charia d’Aqmi. Le Premier ministre, Ali Larayedh, en déplacement au Qatar, a pour, sa part, indiqué qu’environ 200 personnes avaient été arrêtées. “Ceux qui n’ont rien à se reprocher seront relâchés, mais ceux dont la violation de la loi est prouvée seront poursuivis”, a-t-il dit.
Ali Larayedh a été très ferme dimanche à l’égard d’Ansar Ashariaa, dénonçant pour la première fois l’implication dans “le terrorisme” du principal mouvement salafiste tunisien. Le parti islamiste au pouvoir a longtemps entretenu des relations ambiguës avec les djihadistes malgré l’essor de ces groupes violents depuis la révolution de janvier 2011. Il n’en demeure pas moins que le gouvernement dirigé par les islamistes d’Ennahda semble lever l’ambiguïté en se disant déterminé à lutter contre la mouvance djihadiste désormais qualifiée de “terroriste”.
Confronté à des bandes armées liées à Al-Qaïda à la frontière algérienne et aux menaces de “guerre” formulées la semaine dernière par Ansar Ashariaa, le gouvernement avait déjà réagi en interdisant le congrès dimanche de ce mouvement salafiste à Kaïrouan.
Des analystes soulignent que les propos du Premier ministre peuvent signifier un tournant. “C’est un changement de discours. Jamais Larayedh n’avait utilisé ce terme pour Ansar (…) réservant le mot de terroriste aux groupes” armés traqués à la frontière algérienne, note Michael Ayari du International Crisis Group à Tunis. “On ne peut pas dire encore que la politique a changé, que (les déclarations) marquent un point de non-retour et que les militants d’Ansar Charia vont être arrêtés désormais pour leur appartenance à l’organisation, pour leur identité politique”, relève-t-il.
Dans les rangs des forces de l’ordre, dont les syndicats se plaignaient fin avril et début mai de l’absence de directives claires pour lutter contre les djihadistes, on se satisfait des ordres reçus dimanche.
Source: Liberte-Algerie