Une serial shoppeuse à Dubaï
« Dubaï is my new Hawaï » (« Dubaï est mon nouvel Hawaï »). Le compte Instagram de Paris Hilton est sans équivoque : la princesse de Beverly Hills ne jure plus que par cette cité des Émirats arabes unis, qui cultive un goût prononcé pour la démesure. Elle y pose ses bagages monogrammés au moins trois fois par an et s’y improvise régulièrement DJette dans les clubs de la ville, notamment au Cavalli Club. Elle n’est pas la seule. Avec ses projets immobiliers extravagants, ses plages démesurées, ses boîtes huppées, ses restaurants étoilés et ses malls surdimensionnés, Dubaï s’impose comme le nouveau repaire clinquant des socialites du monde entier. Une clientèle que les marques de luxe ne négligent pas, tant leur pouvoir d’achat peut être colossal.
Si beaucoup d’entre elles se contentent d’une escapade touristique dans cette Mecque du shopping ultra-luxe, d’autres ont adopté Dubaï à l’année. C’est le cas de Lina Samman, d’origine syrienne, qui vit à Dubaï depuis vingt-deux ans. Cette quadra sexy archilookée est une mondaine célèbre de la ville, réputée pour son allure au glamour… exubérant. Le temps d’une journée, la jeune femme nous invite à suivre sa vie de fashionista fortunée du Moyen-Orient.
Dressing de conte de fées
Le rendez-vous est fixé chez elle, dans les faubourgs chics de la ville. Oubliez tous les stéréotypes des banlieues occidentales : ici, pas d’allées bordées de coquets petits pavillons, mais un dédale de rues poussiéreuses… et désertes. Il règne une atmosphère de ville fantôme du Far West. Les villas XXL sont protégées par d’imposants portails et cachées derrière des murs hauts de trois mètres. De l’autre côté du mur : l’opulence. Chez Lina, trois rutilantes cylindrées sont fièrement exhibées devant sa maison. Il s’agit des deux Ferrari et d’une Bentley qu’elle a soigneusement sorties pour l’occasion de son garage climatisé. « J’ai pensé que vous aimeriez les voir, dit-t-elle, le corps gainé dans une robe blanche Alaïa, perchée sur des stilettos Chanel. La Ferrari jaune m’appartient. La rouge est celle de mon mari. J’utilise la Bentley pour les soirées officielles, lorsque je me déplace avec mon chauffeur. » Le ton est donné. « Vous préférez peut-être le Hummer ? Il est garé de l’autre côté de la maison. »
À l’intérieur de la villa, deux employées de maison philippines s’activent sur fond de marbre et de dorure. « Je savais qu’il allait être question de mode pour cette interview, alors j’ai fait descendre toutes mes pièces iconiques dans le salon de réception. » Émilie et Faith opèrent un vrai chassé-croisé, les bras chargés d’étoffes luxueuses et d’accessoires siglés de grandes maisons françaises. Au milieu des bibelots Bernardaud et Lalique, s’entassent les escarpins Louboutin, les sacs Birkin d’Hermès, les vestes Chanel, les robes Nina Ricci, Lanvin, Dior … « Ici, la vie mondaine est intense, lance Lina. Il y a toujours un gala de charité, un dîner officiel, une inauguration… La robe longue est généralement de rigueur. Les soirées sont très habillées à Dubaï. J’aime me sentir féminine et glamour », explique-t-elle en revêtant une robe fourreau Balmain.
Occuper le temps libre
Dans cette cité du golfe Persique, les piscines et les jardins qui entourent les maisons font simplement partie du décorum. Les températures grimpant jusqu’à 45-48 degrés, chacun cherche plutôt refuge dans des endroits climatisés. Lina retrouve régulièrement ses amies, golden ladies comme elle, au Jumeirah Beach Hotel, un 5-étoiles, idéalement placé entre la plage et les boutiques de luxe du walk, la promenade de bord de mer. Selon l’humeur, elle y profite de la plage privée, de la piscine, du spa, de la salle de sport ou de l’un des seize restaurants. « Mon mari possède son agence de consulting. Il a des bureaux dans tout le Moyen-Orient, en Asie et en Afrique, il est donc souvent en déplacement. Quant à mes deux filles, elles font leurs études à Londres et ont quitté la maison. J’ai dû apprendre à occuper mon temps libre. J’accompagne souvent mon mari lors de ses voyages d’affaires et je me rends régulièrement à Paris. J’ai la chance d’être invitée aux défilés Chanel, Dior et Nina Ricci que je ne raterais pour rien au monde. Sans doute un privilège réservé aux bonnes clientes ! »
Budget no limit
Lina participe à des organisations caritatives et… fait du shopping. « Je connais le Dubaï Mall comme ma poche ! » On mesure alors la passion de cette fashionista : avec ses quelque 1 100 000 mètres carrés et 1 500 boutiques dispatchées sur quatre étages, le Dubaï Mall est le plus grand au monde. « Enfin, je connais surtout la Fashion Avenue », précise Lina. La Fashion Avenue ? L’équivalent du Triangle d’or à Paris, entièrement consacré aux boutiques de luxe : Dior, Chanel, Louis Vuitton, Cartier, Hermès…, aucune ne manque à l’appel. « Justement, ce soir, je suis invitée à un gala de charité. Je porterai une robe Chloé, mais je dois parfaire ma tenue. Je vous emmène ! » Direction le Dubaï Mall au volant de la Ferrari rouge. Sur une highway bondée, où les grosses cylindrées croisent les petits bolides de luxe.
«Je mise sur la rareté»
Dans les allées du mall recouvertes d’un red carpet flambant neuf, des femmes en abaya traditionnelle croisent d’autres femmes plutôt adeptes du denim court. « Pas de choc des cultures ici, sourit Lina. Plus de deux cents nationalités cohabitent. Chacun a appris à respecter les religions et coutumes des uns et des autres. » Pour Lina, pas question de troquer ses talons de 12 centimètres contre des ballerines. « J’aime être élégante à chaque moment de la journée. » En témoignent d’ailleurs son make-up impeccable et son brushing hollywoodien. Le premier arrêt sera pour Chanel. « C’est un passage obligé. Je scrute les nouveautés. Je repars souvent avec un shopping bag. » Que recherche-t-elle ? « Le coup de cœur. Je me dirige souvent vers des classiques. »
Tandis que Lina essaie une paire d’escarpins chez Christian Dior, Hayat Rizki, l’assistante de direction de la boutique, analyse les habitudes mode locales : « La Dubaïote se révèle différente de la Parisienne. Son pouvoir d’achat étant colossal, elle regarde très rarement les prix. Elle peut s’offrir de belles choses et ose le montrer, contrairement à la Parisienne qui sera plus frileuse à l’idée d’exhiber ses pièces d’exception. Ici, les bijoux ne dorment pas dans des coffres ! »
Le style de la Dubaïote ? « Glamour ! poursuit Hayat Rizki. Rien n’est laissé au hasard : les tonalités, les matières, les coupes… Elle est chicissime vingt-quatre heures sur vingt-quatre. » Son péché mignon ? « Les accessoires ! Elle collectionne les escarpins, les sacs, les lunettes de soleil, mais surtout elle porte uniquement des pièces de la saison en cours. Vous ne la verrez jamais acheter un sac de la saison passée même si celui-ci est ultra-soldé. » Tout en réglant sa paire d’escarpins, Lina nuance : « Je commence à en avoir assez de cette course au it bag. Tout le monde se retrouve avec le même sac au bras… Désormais, je mise sur la rareté. Je ne veux que de l’autruche ou du crocodile. C’est avec les peaux rares que l’on se démarque. Je serai heureuse de léguer ces pièces d’exception à mes filles. » Après avoir chaleureusement embrassé chaque vendeur, Lina fait une pause chez Fauchon. « C’est un rituel. Je m’offre un peu de France en plein désert ! »
Le culte du made in France
Le luxe à la française et son savoir-faire restent une référence : « Paris est la capitale de la mode. Indéniablement. Toutes les pièces iconiques de ma garde-robe sont made in France. Quand je suis à Paris, je m’installe à la terrasse de l’Avenue, avenue Montaigne, et je passe des heures à regarder les femmes déambuler sur les trottoirs. Elles ont un sens du style indiscutable. Elles sont chics et élégantes avec un petit je-ne-sais-quoi en plus. »
Avant de rejoindre ses quartiers, Lina fait une dernière escale dans la boutique Nina Ricci : « Je suis liée à cette maison, dit-elle en souriant. En 2010, j’ai été choisie pour jouer les ambassadrices de la marque au Moyen-Orient. J’étais très flattée. Le directeur artistique, Peter Copping ,a même créé un sac qui porte mon nom : le Lina Bag ! » Consécration des consécrations pour cette passionnée de mode. « Je ne délaisse pas pour autant les créateurs locaux, reprend Lina. Ma fille me tient au courant régulièrement des derniers designers à suivre. »
Dans la famille Samman, l’amour de la mode se transmet de mère en fille. Les bras chargés de ses achats du jour, Lina rejoint sa Ferrari. À combien s’élève le montant de ses dépenses ? « Je préfère ne pas parler d’argent… » Quelques vrombissements plus tard, Lina disparaît dans un nuage de poussière.
Source: madame.lefigaro.fr