Nouvel émir au Qatar, quels changements ?
Pour la première fois dans l’histoire du Qatar, un émir a choisi d’abdiquer au profit de son fils. Que signifie ce geste politique ? Succession logique ou réponse à un besoin de changement ?
Cette transition a été pensée depuis plusieurs années. Lors d’un entretien avec le Financial Time en 2010, l’émir du Qatar avait affirmé qu’il préparait déjà son fils à la succession. C’est donc une décision symbolique mais attendue. Prince héritier depuis une dizaine d’années, Cheikh Tamim savait que son heure était proche.
Un certain nombre de raisons explique le passage à l’acte de l’émir : d’une part, Cheikh Hamad n’est plus très jeune et il fait aujourd’hui face à quelques problèmes de santé. D’autre part, il a cette sensation d’avoir mené le pays au terme de la mission qu’il s’était fixée.
La date de son abdication n’a pas été choisie par hasard : il y a 18 ans, quasiment jour pour jour, l’émir prenait les commandes du pays (le 27 juin 1995) en destituant son père. Il délègue aujourd’hui le pouvoir à son fils avec un bilan exceptionnel. Lorsqu’il prend le pouvoir en 1995, le Qatar est une pétromonarchie insignifiante. Aujourd’hui, l’émirat a émergé comme un acteur majeur du rapport de force régional et international. Une mutation du pays et une ascension considérable sur la sphère internationale ont été opérées sous son règne et ce, dans tous les domaines : médias, sport, économie, diplomatie, culture, etc. Malgré cette mise sur orbite impressionnante, l’envers du décor n’est pas très reluisant : la condition des ouvriers asiatiques est toujours aussi lamentable, les libertés publiques sont encore bafouées (poète) et les élections législatives qui avaient été repoussées n’ont à ce jour pas encore été programmées.
A peine arrivé au pouvoir, l’émir Tamim s’est séparé d’une figure historique, proche de son père, le Cheikh Ben Jassem, qui occupait le double poste de Premier ministre et de Ministre des Affaires étrangères, et a constitué un nouveau gouvernement. Doit-on s’attendre à des changements en termes de politique intérieure et extérieure ?
Même s’il y a eu cette transition d’une porte symbolique considérable à la tête du pouvoir qatari, les fondamentaux de la diplomatie du pays ne vont pas être modifiés. En effet, Cheikh Tamim participait déjà aux prises de décision ces dernières années. Il fait partie de ceux qui ont façonné la politique du Qatar, on ne peut donc attendre qu’une continuité par rapport à ce qui a été fait précédemment. On peut prévoir un changement de forme ou de style mais sur le fond, la politique restera globalement la même. Sur le terrain diplomatique, le Qatar sera toujours aussi présent, notamment en ce qui concerne la Syrie où le chaos a malheureusement pris une tournure confessionnelle opposant le camp sunnite à l’arc chiite. Après un léger moment de flottement, les Qataris ont fait le choix de soutenir la rébellion médiatiquement, politiquement, puis militairement et ce, afin d’accompagner le mouvement populaire en butte à un gouvernement autoritaire et illégitime. Dans la même lignée, le Qatar conservera sa politique de soutien aux processus de transition démocratique en Egypte comme en Tunisie.
La politique qatarie est sous-tendue par un certain nombre de lignes de force et de principes indépendants de l’alternance de tel ou tel émir à la tête du pouvoir. Enfin, même si Cheikh Hamad quitte de manière officielle la tête de l’Etat, il aura certainement un rôle à jouer en coulisses et pourra conseiller son fils et l’accompagner dans les premières années de l’exercice du pouvoir.
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