Des chaussettes qui traînent, un tube de dentifrice mal fermé et l’agacement naît dans le couple. Des cris au laisser-faire en passant par l’éloignement ou la rêverie, chacun a ses techniques pour y remédier. L’agacement n’a jamais rien d’anodin. Sous son excitation de surface se tapissent des univers d’explication sans fin, et une même cause : la dissonance. Ecoutons un témoin, Clémentine : « Mon mari est gentil, charmant… Il a un défaut : il n’écoute jamais ce qu’on lui dit ! Oh, il n’est pas sourd, son acuité auditive est excellente, il entend ce qu’on lui dit mais n’écoute pas ! » Clémentine aime son mari, elle est heureuse avec lui mais parfois, et c’est plus fort qu’elle, il l’exaspère. L’agacement est un moyen original d’étudier le fonctionnement conjugal dans son ensemble. Bien qu’il soit proche de toute une kyrielle de sentiments négatifs, il ne peut être ramené ni à l’insatisfaction ni aux conflits, encore moins à la violence, sous peine de ne plus rien y comprendre. Pour saisir sa dynamique subtile mais limpide, il faut pointer la focale d’observation sur l’ordinaire de la vie conjugale, voire sur les couples les plus heureux et paisibles, ceux dont on dit à tort qu’ils n’ont pas d’histoire. Il nous offre une occasion inespérée de nous décentrer et plonger de façon inédite dans les profondeurs culturelles de la personne et dans les changements de la modernité.
Il n’existe plus de rôles imposés par la tradition. Le couple doit donc tout inventer. Mais il s’avère très vite que la culture de l’ordinaire n’est pas la même dans les deux camps. Or les routines sont nécessaires. Elles répondent à une exigence sociale. Les premiers agacements du couple sont donc l’indice que le processus d’unification s’est mis en branle. Les divergences ne produisent de l’électricité que dans la mesure où les deux partenaires avancent dans la construction d’une culture commune. L’irritation provient toujours d’un conflit ou d’une dissonance entre modèles de pensée ou d’action, que ceux-ci soient internes à la personne ou divisent le couple en deux clans séparés. Caroline par exemple ne supporte pas que son conjoint passe sa vie devant la télévision. « Ce qui m’agace, c’est la télé. Il a une de ces manies de changer de chaîne, de rester devant l’écran. Même si c’est nul, il reste. » Lire la suite de cette étude sur Scienceshumaines…