Guerre froide du Golfe
La situation explosive en Egypte n’est plus uniquement le fait d’un affrontement entre partisans et adversaires du président Morsi. Elle est également l’expression d’un clivage très net entre différentes puissances régionales. Parmi celles-ci, le Qatar et les Emirats arabes unis projettent, sur le terrain égyptien, un activisme radicalement opposé tant sur les plans politique, financier que médiatique.
Convergences envers Bahreïn et la Syrie mais profondes divergences sur l’Egypte
Depuis le début du « Printemps arabe », la fracture au sein des pays du Golfe n’a fait que se creuser mettant en évidence l’émergence de deux camps opposés. Le premier, emmené par Riyad et Abou Dhabi, a exprimé dès la chute de Ben Ali, et encore plus avec l’éviction de Moubarak, ses craintes d’un élargissement des révoltes populaires. Pour couper court à toute contagion sur leur sol, la réplique a été radicale et s’est matérialisée par la mise sous protectorat de Bahreïn par les forces armées saoudiennes, décision que l’ensemble des pays du Conseil de coopération du Golfe a adoubée. L’union sacrée s’est également traduite dans le soutien des pétromonarchies à la révolte syrienne avec une ligne politique largement tributaire du lourd contentieux qui oppose, à des degrés divers, les capitales du Golfe à l’Iran dans un contexte où le clivage confessionnel devenait prédominant. Mais la relative connivence sur les théâtres syrien et bahreïni cache mal la fracture profonde que les positionnements respectifs sur l’actuelle crise égyptienne révèlent de manière flagrante.
En janvier dernier, un influent observateur émirati, Sultan Sooud Al Qassemi mettait en évidence le « schisme » qui traversait les pays du Golfe[1]. Au cœur de la division, on trouve le dynamisme du Qatar qui, depuis l’irruption des révoltes arabes, apporte un appui massif aux formations politiques sorties vainqueurs des scrutins. En Tunisie et surtout en Egypte, l’assistance financière de Doha tout comme le soutien politique et médiatique aux gouvernements dominés par les Frères musulmans sont vus d’un très mauvais œil par les familles royales saoudienne et émirienne. Depuis la guerre du Golfe de 1991, ces dernières n’ont jamais pardonné aux Frères leur positionnement en faveur de Saddam Hussein, assimilé à une grande trahison. Les condamnations très dures du prince Nayef, ministre de l’intérieur saoudien en 2002, considérant les Frères musulmans comme « la principale cause des problèmes de la région », expriment toujours la vision des appareils d’Etat saoudien et émirien. Ces derniers jours, ce lourd climat anti-Frères musulmans a de nouveau surgi à la faveur du plus grand procès de l’histoire des Emirats dans lequel comparaissaient des dizaines de membres présumés d’une cellule interdite de la confrérie[2]. Entaché de multiples entorses et épinglé par diverses ONG pour usage de la torture, ce procès a démontré l’ampleur de l’opprobre jeté sur ce mouvement tant du côté des autorités que de l’ensemble du paysage médiatique. C’est également depuis Abou Dhabi où il a trouvé refuge avec de nombreux cadres de l’ancien régime qu’Ahmed Chafiq, concurrent de Morsi à la présidentielle de juin 2012 et dernier Premier ministre de l’ère Moubarak, annonçait sa volonté de rentrer au pays. Le tropisme du gouvernement émirien envers les forces de l’opposition se situe donc à l’exact opposé de la diplomatie qatarie qui souhaitait renverser son isolement dans le Golfe par un renforcement des liens avec les nouveaux maîtres du Caire. Lire la suite sur mon Blog Le Monde…