En un demi-siècle, les petits pays du Golfe sont passés d’une économie de subsistance au capitalisme le plus effréné (mardi 9 décembre à 20 h 50 sur Arte)
Il y a soixante ans à peine, Abou Dhabi n’était qu’un village de pêcheurs de perles ruinés du golfe Persique. De 80 000 habitants en 1920, la population était tombée à 2 000 à la fin des années 1950. La faute aux perles de culture popularisées par le Japon, qui ont mis pêcheurs et commerçants du Golfe sur la paille.
A l’époque, le plus grand des « émirats de la trêve », sous protectorat britannique, était dirigé par un vieillard méfiant, le cheikh Chakhbout, qui, tel Harpagon, cachait les premiers dollars tirés de l’extraction pétrolière balbutiante dans les caves de son palais, où les rats se faisaient un malin plaisir de grignoter ses économies.
Il a fallu attendre l’arrivée au pouvoir du cheikh Zayed ben Sultan Al-Nahyane en 1966, à la suite d’un coup d’Etat familial, pour qu’Abou Dhabi sorte de sa torpeur. Capitale des Emirats arabes unis depuis l’indépendance, accordée par les Britanniques en 1971 – plus qu’elle n’a été demandée par les élites locales, saisies à l’époque par la peur du vide –, Abou Dhabi compte aujourd’hui 2 millions d’habitants et s’apprête à inaugurer un Louvre local, dessiné par Jean Nouvel, au côté duquel prendront place, en 2017, un Guggenheim dessiné par Frank Gehry, ainsi que la Cité des arts de Zaha Hadid, le Musée maritime de Tadao Ando et le Musée Cheikh Zayed de Norman Foster… En quarante ans, l’espérance de vie a progressé de vingt ans. Le taux d’équipement de téléphone portable est de deux par personne. Les multiples chocs pétroliers sont passés par là.
Une marque planétaire
A Dubaï, 130 kilomètres plus au nord, se trouve l’autre « vedette » de la fédération émiratie, Dubaï, un ancien port de commerçants et de pirates, devenu désormais une véritable « world company ». Plus qu’un port, plus qu’un aéroport (trois en fait), mondialement connu, plus que le plus grand souk d’or au monde, plus que le siège de la plus haute tour du monde, Dubaï est un concept, une idée, une marque planétaires. On y vient comme on se rendait à Venise au XVe siècle, visiter le centre du monde. Dubaï est le symbole par excellence du miracle pétrolier, voire de ses excès. Mais Dubaï, c’est déjà l’après-pétrole : l’émirat a épuisé ses réserves, il vit de la finance, de l’immobilier, du tourisme, du divertissement…
Le monde entier s’y donne rendez-vous pour faire du shopping, se divertir, investir. Chacun vient avec ses préjugés, son identité et ses idéaux. Mais une seule religion prévaut à Dubaï : la consommation. C’est une vision irénique et cauchemardesque de l’avenir de l’humanité où tous les conflits se dénouent dans l’ivresse consumériste. La mondialisation version Orwell.
Lire la suite sur LeMonde…