Organisée par le Fonds monétaire international (FMI) et le Fonds monétaire arabe (FMA), une rencontre, prévue demain et mardi à Abu Dhabi (Emirats arabes unis) regroupera les ministres des Finances de tous les pays arabes pour engager des consultations et échanger autour des politiques budgétaires et fiscales en contexte incertain. Le ministre des Finances, Abderrahmane Benkhalfa, participera à ce forum arabe sur la «politique budgétaire et la croissance».
Le petit émirat enchaîne les opérations boursières. Son ambition : devenir une passerelle vers l’Afrique et les pays émergents.
Jamais la place financière de Dubaï n’avait connu une telle effervescence depuis 2009. Le 21 septembre, Agricultural Bank of China, l’un des plus importants groupes de l’empire du Milieu, a coté au Nasdaq Dubai un emprunt obligataire d’un montant de 163 millions de dollars (127 millions d’euros). Une première au Moyen-Orient pour un groupe chinois.
Quelques jours plus tard, le 2 octobre, Dubai Financial Market (DFM), l’autre Bourse, la plus importante de la cité-État, accueillait sa plus substantielle introduction des cinq dernières années. Le groupe immobilier Emaar Properties, présent au Maroc, en Égypte et en Tunisie et qui détient le gigantesque Dubai Mall, a ouvert via une offre publique initiale (IPO) le capital de sa filiale Emaar Malls Group (EMG), promoteur de centres commerciaux.
Nouvelle place refuge, la cité-État attire de plus en plus de fonds asiatiques et russes.
L’opération, pilotée par de grandes banques d’affaires internationales comme Bank of America Merrill Lynch ou JP Morgan, est estimée à 1,6 milliard de dollars et porte sur la cession de 15,4 % du capital à un prix initial de 2,90 dirhams (0,62 euro) l’action. Elle a été sursouscrite 30 fois par les investisseurs institutionnels et 20 fois par ceux du privé. Un franc succès qui reflète le regain d’intérêt pour Dubaï.
Panique
On est donc bien loin du crash financier qui avait ébranlé la cité-État des Émirats arabes unis fin 2009, quand, lourdement endetté (au moins 100 milliards de dollars), Dubaï, qui développait alors des projets touristiques pharaoniques, s’était retrouvé au bord de la faillite. Il avait dû faire appel à Abou Dhabi pour se renflouer à coups de milliards de dollars.
À l’époque, les principales compagnies dubaïotes (notamment Emaar Properties et Nakheel, promoteur de l’île artificielle en forme de palmier) étaient au bord du gouffre financier. Dubai World, l’un des holdings d’investissement de l’émirat et maison mère de Nakheel mais aussi de DP World (qui exploite le port de Dakar), avait provoqué la panique sur les places financières de la région en annonçant qu’il était dans l’incapacité d’honorer l’échéance d’une dette de 3,5 milliards de dollars et qu’il avait besoin d’un moratoire de six mois.
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Près de cinq ans plus tard, ces grandes sociétés (surtout Emaar Properties et Nakheel) se sont redressées grâce à de douloureux plans de restructuration. Entre-temps, les prix de l’immobilier, qui avaient dégringolé de 60 % en 2009, ont repris de la vigueur. Sur la seule année 2013, ils ont augmenté de près de 40 %, se rapprochant de leur niveau d’avant la crise.
« Les projets immobiliers et la construction sont repartis. Le Mall of the World, projet de centre commercial géant estimé à 2,5 milliards de dollars, devrait démarrer en 2015 », note Hervé de Villechabrolle, directeur exécutif chargé des marchés émergents et des fusions et acquisitions chez le cabinet EY à Dubaï. Encouragé par cette reprise, Nakheel n’exclut pas d’ouvrir lui aussi son capital sur une Bourse de l’émirat pour lever des capitaux nécessaires à son développement.
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En attendant, Dubai International Financial Centre (DIFC), qui gère la place financière de l’émirat, prépare un emprunt obligataire islamique. Via cette opération sukuk, attendue dans les prochaines semaines, il compte lever environ 700 millions de dollars pour rembourser sa dette bancaire (670 millions de dollars) et financer son développement. Objectif : s’imposer définitivement comme la plaque tournante régionale du commerce et de la finance.
Près de dix ans après sa création, DIFC, un hub consacré aux entreprises opérant dans les domaines de la finance, de l’assurance mais aussi des cabinets internationaux de conseil et d’audit, veut attirer davantage de sociétés. Alors qu’il en accueille aujourd’hui plus de 1 000, ses dirigeants tablent sur une augmentation de 50 % sur trois ans.
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Hub
Surtout, et c’est une nouveauté, la place veut devenir une « passerelle » vers l’Afrique, selon les termes de son gouverneur, Essa Kazim, repris par le Financial Times.
En effet, « à l’instar de la Suisse en Europe, Dubaï est en train de devenir une place refuge dans la région du Golfe, soutient un financier basé à Abou Dhabi. Et il attire de plus en plus de fonds asiatiques ou russes en quête d’opportunités sur les marchés émergents, y compris en Afrique ». D’après le dirigeant de DIFC, de nouvelles entreprises et banques chinoises chercheraient à s’installer à Dubaï pour y mener leurs opérations vers les pays riches en ressources naturelles, sur le continent et au Moyen-Orient.
L’agence de notation Standard & Poor accorde une perspective stable à l’économie d’Abu Dhabi, affirment un rating «AA» à long terme et «A-1 + » pour le court terme.
“Les notes sont soutenues par les fortes positions budgétaires et extérieures d’Abu Dhabi, qui offrent une flexibilité à la politique budgétaire. L’intensité exceptionnelle des postes de l’actif net d’Abu Dhabi propose également une réserve pour contrer l’impact négatif de la volatilité des prix du pétrole sur la croissance économique et les recettes publiques, ainsi que sur le compte externe,’’ affirme l’agence de notation dans un communiqué.
Les estimations par S&P du PIB par habitant à Abou Dhabi sont de $102 000 en 2014. La croissance économique est soutenue par l’augmentation de la production de pétrole, des dépenses publiques élevées, et un élargissement de la base de production de l’économie, y compris les services et le secteur manufacturier.
“Les niveaux de croissance sont robustes avec une moyenne de 11 pour cent par an pour la période 2007-2013.’’
“Nous supposons que les prix du pétrole baisseront à environ 100 $ le baril en 2016 et au-delà, contre environ 105 $ le baril en 2014. En conséquence, nous estimons l’excédent budgétaire en moyenne à environ sept pour cent du PIB en 2014-2017, contribuant ainsi à renforcer la position de l’actif net de l’émirat, que nous projetons à plus de 200 pour cent du PIB. Le gouvernement a renforcé son contrôle sur la dette du secteur public, en visant la durabilité et la prévention du stress financier pour ses entités publiques (GRES).’’