Escalade : vide, vertige et belles frayeurs…
Du Venezuela à la Chine, en passant par la Jordanie et le Maroc, Arnaud Petit et Stéphanie Bodet parcourent le monde à la découverte de parois vierges à grimper. De leur passion pour l’escalade, née pendant l’enfance, ils ont fait un métier. Ils racontent sur Le Plus cinq de leurs plus belles ascensions. Témoignage.
Gravir une paroi, imaginer une nouvel itinéraire est à chaque fois une aventure. Lorsque l’on ouvre une voie, on crée un cheminement tout en inventant ses propres règles du jeu, et l’on se découvre par la même occasion.
Les rencontres minuscules et fragiles que l’on fait sur le rocher avec une fleur ou un oiseau prennent des allures d’événements.On redevient presque animal dans notre manière de bouger. On se sent appartenir à la nature sauvage et on se simplifie. C’est vivifiant et cela nous rapproche de l’essentiel.
L’escalade, pour nous, a démarré dès l’enfance et l’adolescence. À cet âge, grimper un peu partout, jouer dans un arbre ou sur un rocher, c’est quelque chose de naturel, plus ludique encore que de marcher. La nature a été notre premier terrain de jeu car au moment où nous avons débuté, les salles d’escalade n’existaient pas encore.
Voici les cinq plus belles parois que nous avons eu la chance de gravir autour du monde.
1. El Salto del angel (Venezuela)
C’est sans doute l’ascension la plus difficile que nous ayons réalisée jusqu’à présent. Douze jours de vie en paroi, et donc de bivouacs suspendus en plein vide, ont été nécessaires pour grimper les 900 m de cette paroi célèbre pour l’immense cascade qui s’écoule depuis le sommet.
En haut du Salto del angel, d’immenses plateaux et une végétation luxuriante (A. PETIT).
Cette ascension présentait plusieurs difficultés : la qualité de la roche n’était pas très bonne, multipliant les risques de chutes de pierre, l’ascension débutait quasiment sous la cascade, les premiers mètres se faisaient donc en partie dans l’eau, en tout cas complètement mouillés. Enfin, la zone étant très isolée et la paroi en forme de cirque fermé, un secours aurait été presque impossible.
À cela s’ajoutait une difficulté logistique : nous étions six à partir pour douze jours, nous avions donc dix sacs contenant nourriture et eau (180 litres !) à monter petit à petit avec nous.
Pendant ces douze jours, nous ne sommes jamais redescendus au sol. Tels des naufragés, nous sommes restés en permanence accrochés à la verticale, dormant à six sur les étroites plateformes que nous trouvions, d’une surface de 80 cm de largeur et de 4 m de longueur environ.
Arnaud Petit et Stéphanie Bodet le long de la paroi du Salto del Angel au Venezuela (N. KALISZ).
Pendant cette ascension, le menu était simple : des flocons d’avoine avec du lait en poudre le matin, des pâtes et des conserves de thon le soir. Et le plus étonnant, c’est que ce menu invariable ressemble à de la haute gastronomie lorsque vous êtes affamés et épuisés !
Dans ce genre de situation, vous partez léger. Hormis la nourriture et l’eau, nous avions avec nous un t-shirt de rechange, un sac de couchage et un appareil de photo. Certains renonçant même à la brosse à dents…
Au cours de cette ascension, nous sommes clairement allés au-delà de notre zone de confort. Il y avait bien sûr la promiscuité qui n’était pas toujours facile à gérer, mais aussi le manque de nourriture sur la fin de l’ascension.
Face à cette pénurie, il a fallu faire des choix : ceux qui grimpaient en tête mangeaient plus que les autres. Mais malgré ces efforts, le dernier jour, nous n’avions plus rien du tout.
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