Quand les faucons attaquent l’Argentine
La justice des États-Unis vient de condamner l’Argentine à payer en totalité des titres de créances pourtant rachetés à vil prix par des fonds spéculatifs spécialisés. Une affaire aux conséquences redoutables, d’abord pour le peuple argentin, ensuite parce qu’elle risque de bloquer toute possibilité de restructuration des dettes publiques.
La justice des États-Unis a encore frappé (lire aussi « Affaire BNP Paribas : le problème des deals de justice »). Le 18 juin, la Cour suprême des États-Unis a refusé de mettre en cause le jugement d’un tribunal de New York condamnant l’Argentine à payer le remboursement à leur valeur initiale (plus les intérêts) d’obligations de la dette publique de l’Argentine détenues par deux fonds spéculatifs appelés, à juste raison, fonds vautours.
C’est une affaire extrêmement grave. Certes, ce n’est pas la première fois que des financiers charognards trouvent dans la justice américaine les moyens de s’enrichir sur le dos de pays en difficulté. Mais c’est tout de même la première fois que la plus haute instance judiciaire des États-Unis leur prête la main. Surtout cela entraîne la menace d’une nouvelle faillite de l’Argentine, et d’un blocage de toute restructuration future d’une dette publique en incitant les créanciers à refuser tout compromis avec les États. Et ceci alors même que de telles restructurations apparaissent de plus en plus nécessaires, pas seulement dans les pays du Sud, mais aussi en Europe. Bref, il est urgent de soutenir l’Argentine et d’agir pour bloquer les possibilités d’action des fonds vautours.
Les biens nommés fonds vautours
Les fonds vautours ne sont pas des épargnants ayant souscrit des titres de dette publique d’un pays, pénalisés par un défaut de ce pays. Ce sont des fonds rachetant au rabais aux banques et aux assurances de vieilles dettes de pays ayant fait faillite pour les attaquer en justice et leur réclamer le paiement intégral de la valeur nominale de leur titres, plus le paiement des intérêts non versés, une fois la solvabilité de ces pays plus ou moins retrouvée. Ils n’ont donc jamais financé les pays qu’ils attaquent. Leur objectif est de faire le maximum d’argent sur la misère du monde et d’exploiter, pour ce faire, tous les filons juridiques possibles. Certes, cela demande du temps, des réseaux de toutes sortes et un lobbying intense. Ces fonds n’en manquent pas. Ils sont en général opaques, localisés dans des paradis fiscaux et dans les mains de milliardaires influents.
Quelques-uns tiennent le haut du pavé de la « profession » : Le groupe Elliott, fondé et dirigé par Paul Singer, a notamment à son tableau de chasse le Pérou. Sa filiale NML est l’un des deux fonds ayant attaqué victorieusement l’Argentine. Une autre filiale, Kensington International, a poursuivi le Congo Brazzaville. L’américain Paul Singer est l’un des principaux contributeurs financiers du Parti républicain.
Le fonds Donnegal international, filiale de Debt Advisory International, s’en est pris à la Zambie. Il est dirigé par Michael Sheehan – qui aime, paraît-il, à se faire appeler Goldfinger – et fut… conseiller des pays pauvres en matière de gestion de leur dette. FG Hemisphere, qui s’est notamment attaqué à la République démocratique du Congo, est dirigé par Peter Grossman, un ancien de la banque Morgan Stanley.
Dart Management est un fonds vautour dirigé par le multi milliardaire Kenneth Dart , exilé fiscal américain et nouveau citoyen du Belize. Il privilégie la recherche d’accords secrets, sous chantage d’une action en justice avec les pays qui restructurent leurs dettes. Il l’a fait avec le Brésil et l’a refait plus récemment avec succès sur le dos de la Grèce. Plutôt que de risquer une action en justice, la Grèce, a décidé en 2012, d’effectuer un remboursement d’un demi-milliard d’euros sur la partie de ses dettes régie sous droit américain et rachetée à bas prix notamment par Dart Management qui a empoché 90% des remboursements.
1.608% de profits en six ans
Il y a certes le risque de ne pas aboutir devant les tribunaux, plus le risque de ne pas être payé malgré un jugement favorable, mais le jeu en vaut la chandelle. Les marges obtenues sont considérables, comme le montre l’évaluation de la Plateforme Dette et développent sur des exemples des années 2000.
Calculé par la plate-forme Dette & Développement et le CNCD à partir des données 2005-2008 du FMI et de la Banque mondiale (cf. le rapport mai 2009 : « Un vautour peut en cacher un autre »).
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