Les raisons d'Al Jazeera en français
Le septième forum d’Al Jazeera s’est tenu à Doha du 16 au 18 mars. Comme chaque année, plusieurs dizaines d’intellectuels, de journalistes et d’analystes du monde arabe et européen, s’y sont croisés. La thématique générale des échanges portait sur : « Le monde arabe à l’ère transitionnelle : opportunités et défis ».
Contre toute attente, cette édition a donné lieu à une déclaration qui pourrait, dans le sillage du lancement de beIN sport, accentuer la présence qatarie au cœur du tissu médiatique français.
Première confirmation officielle
Profitant de la séance de clôture, le cheikh Ahmed Ben Jassem Al-Thani, membre de la famille royale et directeur d’Al Jazeera Satellite Network depuis septembre 2011, a annoncé que le groupe qatari avait « le plaisir d’annoncer » qu’il était « dans une étape avancée d’une étude pour lancer une chaîne en français, qui vise à établir des ponts avec les cultures et les peuples amis ».
La portée de cette affirmation est à prendre en considération. C’est la première fois que l’ouverture d’un canal francophone de la chaîne Al Jazeera est officiellement confirmée par un haut responsable qatari.
Longtemps confiné dans le registre de la rumeur, ce lancement ne va pas manquer de susciter des réactions en tout genre car l’ouverture d’Al Jazeera, redoutée par certains milieux du paysage audiovisuel français, risque de sensiblement bousculer l’équilibre des opérateurs dans le marché francophone de l’information.
A ce stade, il est possible de tirer trois enseignements.
Il ne fait guère de doute que l’officialisation de l’intérêt qatari pour une chaîne en langue française s’inscrit dans le dispositif de riposte de l’émirat face au « Qatar bashing » qui a pris une tournure sévère ces derniers mois. Plus une semaine ne passe sans qu’un reportage, un dossier ou une émission cible le Qatar avec, souvent, un regard soupçonneux. Des accusations d’ingérence au profit des groupes jihadistes en Syrie aux unes tapageuses sur le « Qatargate » en passant par les fausses informations sur un financement qatari de la dernière campagne israélienne, Doha a visiblement été excédée par l’image sulfureuse que le Qatar traîne aujourd’hui auprès de l’opinion.
L’une des expressions notables de ces campagnes de presse, qui amplifient le nuage de méfiance autour de l’émirat, concerne le procès en ingérence fait au Qatar dans leNord-Mali. Malgré les démentis officiels du côté français et qatari et le rapport des services français qui disculpaient l’émirat d’une présence militaire, les préjugés ont la vie dure. Ce procès permanent est résumé par les propos d’Alain Chouet, ex-chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE :
« Nous n’avons pas de preuves d’un soutien financier du Qatar à ces différents groupes et vous n’en trouverez pas mais tout le monde en est à peu près convaincu. »
C’est certainement pour désamorcer cette machine à fantasmes, qui entoure le traitement du sujet « Qatar » en France, que les élites à Doha ont décidé d’accélérer la mise en place d’un canal qui, jusqu’à récemment, ne faisait pas partie des axes prioritaires de développement du groupe. Lire la suite sur mon Blog Le Monde…