Stratégie de développement du Qatar
Le Qatar ou la stratégie du plus faible – entretien avec le Journal de Saint-Denis (93)
Le JSD : Quel est le fondement de la stratégie de développement du Qatar ?
Nabil Ennasri :Il faut replacer le Qatar dans sa situation géopolitique, celle d’un petit pays coincé entre deux voisins intimidants : l’Iran et l’Arabie Saoudite. Les dirigeants qataris pensent leur place à travers ce prisme d’une vulnérabilité excessive, doublée du fait que le Qatar, assis sur la troisième réserve mondiale de gaz, suscite les convoitises. L’exemple du Koweït, envahi par l’armée irakienne, en 1990, a été un traumatisme majeur. Cette conscience aiguë de sa fragilité pousse le Qatar à s’assurer du parapluie militaire américain. Mais la force pure leur étant interdite, ils misent sur le « soft power » : s’afficher pour exister. Cela passe par Al Jazeera, qui leur a conféré une audience planétaire en quelques années. Cela se décline aussi dans les domaines sportifs, culturels, religieux et diplomatiques. Le sport notamment est considéré comme un vecteur de rayonnement majeur qui doit situer positivement le Qatar sur la carte.
Le JSD : Ce développement ne va pas sans un certain nombre de problèmes…
Nabil Ennasri :Il y a deux contradictions majeures. D’abord, la condition dramatique des ouvriers étrangers. Ce sont eux qui ont fait le Qatar, mais ils vivent une situation – économique, juridique – accablante. Le Qatar ne pourra pas se prévaloir d’être le modèle qu’il veut être pour les autres pays du Golfe s’il n’améliore pas de manière substantielle la condition de ces travailleurs. Au-delà du coût social, le prix écologique est exorbitant. Récemment encore, les Qataris étaient les plus gros pollueurs de la planète par habitant. Depuis quelques années, une politique publique de réduction des coûts environnementaux a permis de limiter l’empreinte écologique. On est très loin du compte, même si la tendance est à la baisse.
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