Randonnée GR20 en Corse
À l’heure où une nouvelle tentative contre le record féminin se prépare, l’Alta Strada surfréquentée par les randonneurs devient le théâtre des performances d’exception. Dans un monde sportif hors-norme. À ses yeux, le GR 20 est un appel. Celui d’une terre d’altitude qui, malgré tout, demeure inviolée. Accompli en une quinzaine de jours par le randonneur moyen, en une trentaine d’heures par le plus accompli des compétiteurs, « le grand chemin » force à jamais le respect.
L’Alta Strada n’en finit pas d’être révérée. Ceux qui ont dompté cet incomparable parcours sur les crêtes de Corse s’inclinent encore devant tant de grandeur et de majesté. Ils n’oublient pas la sueur et les larmes qu’ils ont versées entre Calenzana et Conca. « Mais le GR appelle tôt ou tard le passionné, au point de le faire fantasmer », insiste Pierrot Santucci, l’homme qui, à l’été 2005, parvint à établir un nouveau record en 36 h 53′.
L’ingénieur de l’Inra est un coureur en montagne invétéré. L’un de ces valeureux traileurs, comme les appelle une discipline sportive désormais bien identifiée. Avec quelques autres, aussi fondu d’altitude que de raids au long cours, Pierrot a écrit l’autre histoire du GR 20. En marge de celle qui a fait de la grande dorsale du massif insulaire la voie de randonnée la plus redoutable d’Europe.
Déjà montagnards, certains ont quitté les grosses chaussures de marche, troqué leurs sacs à dos pour des ceintures porte bidons, commencé à courir malgré la pente et les pierriers et autres dalles de granite. Les plus téméraires ont fait du GR 20 la terre de leur défi. Celui qui, au cours de ces trente dernières années, a fait vivre l’aventure d’un record individuel. 190 km, 10 000 mètres de dénivelé d’un seul jet, d’abord en autonomie, puis avec assistance. Aujourd’hui, ce sentier est devenu celui des défis les plus divers. Au record masculin a succédé le record féminin. Le 30 juin s’élancera la tentative de trois relayeurs (voir notre édition de lundi). Initiée par des coureurs locaux, l’histoire du chrono de référence est désormais l’affaire des professionnels du trail. Sous l’égide de l’équipementier sportif Salomon, le jeune Espagnol Kilian Jornet, l’un des cadors mondiaux, a marqué les esprits en 2009 en établissant, en 32 h 54’02, une performance qui semble appartenir aujourd’hui à l’inaccessible.
Vidéo: GR 20 en Corse, une aventure
L’hommage aux « porteurs de pas »
Pierrot Santucci, lui, n’en garde pas moins le sentiment d’être allé, sur le GR 20, au bout de tous ses rêves. Il y a 7 ans, il s’octroyait le record après deux tentatives avortées, retenant avant tout l’immense aventure humaine à laquelle il a carrément dédié un livre. « Je l’ai titré « Porteur de pas » en hommage à tous ceux qui se sont relayés pour m’accompagner de bout en bout, de jour comme de nuit. Sur le GR, le parcours est tellement difficile qu’il exige une concentration extrême. Dès lors, quand un coureur qui vous accompagne a le pied montagnard, il se place devant vous et « porte » vos pas. C’est ce que j’ai vécu et c’est aussi ce qui m’a permis, indépendamment de mes qualités d’endurance et de mon entraînement, d’atteindre mon objectif ».
Vincent Delebarre, un coureur continental de haut niveau, avait sans doute mésestimé cette donnée lors de sa tentative. Au point physiquement, il avait pourtant abandonné à l’approche de Vizzavona. Faute d’avoir mis sur pied une assistance compétitive, celle que, dans l’histoire du record, Pierrot Santucci a sans doute optimisé. « Avant une tentative, j’avais tous mes temps de passage en tête, et je demandais à mes suiveurs, par exemple, de se préparer à m’accompagner en 6 heures entre Vizzavona et Cappanelle. Certains s’entraînaient la nuit pour y parvenir le jour J ». Voilà comment l’aventure humaine a magnifié la performance du coureur de l’Alesgiani. Cette adhésion à un défi sportif hors-norme, Jean-Louis Cinqui en a également profité, au mois d’août 2008, lors de sa tentative qui ne fût malheureusement pas couronnée de succès.