Pétrole, bénédiction ou malédiction ?
Madagascar est un pays producteur de pétrole». Les Mahaleo auront moqué l’arlésienne Bemolanga, pendant 30 ans, depuis les années 1980. Mais, depuis ce 18 juin 2014, Tsimiroro est enfin réalité. La « manne » pétrolière a de quoi faire saliver : elle avait représenté 700 milliards de dollars (le pétrole se négocie uniquement en dollar américain) de revenus pour les pays exportateurs en 2006. En 1972, le baril de pétrole valait 2 (deux) dollars : il coûte aujourd’hui 105 dollars. Le maintien d’un prix à la hausse, sur une longue période, a fait du pétrodollar une rente.
Le pétrole, qui est une bénédiction, peut devenir un cauchemar. En Angola, au Nigeria et au Congo, il avait provoqué des guerres civiles. Attention, en ce qui concerne Madagascar, à ce que les tueries, autour d’un gisement de pierres précieuses, comme autour d’un derrick de pétrole, ne créent pas un « syndrome d’Andranodambo ».
Le « syndrome hollandais » est une expression apparue au cours des années 1970 pour désigner les difficultés subies paradoxalement par l’économie hollandaise à la suite de la mise en exploitation, dans les années 1960, du gaz naturel de Slochteren. Le « syndrome hollandais » désigne une modification de la structure économique d’un pays dont un secteur d’exportations connaît un développement exponentiel : ce peut être le secteur des hydrocarbures, mais peut concerner également le cacao, le café ou les produits miniers. L’appréciation du taux de change rend les importations plus compétitives que les productions locales, décourageant l’investissement dans l’industrie et l’agriculture et créant une dépendance aux importations.
Le contrepied du « syndrome hollandais », c’est l’investissement dans le confort de la population via une économie aux fondements sains, permettant une croissance durable et soutenable. Il faut éviter la monoculture des hydrocarbures et une dépendance au pétrole : mettre en place une politique fiscale plutôt que de financer les prodigalités budgétaires avec la rente du pétrole. Créer une valeur ajoutée dans les autres secteurs hors pétrole (industrie, agriculture, services) et ne pas remettre indéfiniment des réformes structurelles fondamentales en s’illusionnant du mirage pétrolier.
Les majors (Shell, Total, ChevronTexaco, Exxon Mobil, British Petroleum) n’ont pas encore découvert « leur » pétrole à Madagascar. Mais, se posera un jour la question du partage de la production, prélude au partage des revenus. Exploitation du gisement, transport du brut, raffinement du pétrole, exportation : il faut être conscient, dès maintenant (« mpifankatia tsy nifamarafara, ady no farany », dit le proverbe malgache), de la nécessité à trouver un équilibre dans le rapport de force qui s’engagera entre la compagnie exploitante et l’État.
On le voit avec les pétrodollars arabes ou russes, les possibilités infinies, et spectaculaires, d’achats de groupes d’immeubles sur les Champs-Élysées ou l’acquisition des plus prestigieux clubs de football. En 2005, Dubaï International Capital avait pris une participation d’un milliard de dollars dans DaimlerChrysler : ces placements doivent relever d’une cohérence, faire partie d’une stratégie d’ensemble, s’opérer dans la plus grande transparence, et profiter au pays et à sa population plutôt qu’à une clique qui se l’accaparerait. La santé, l’éducation et les infrastructures, devraient constamment servir d’aiguillon à une exploitation responsable du pétrole national.
Source: lexpressmada