Or en Algérie
La monnaie rapport social traduisant le rapport confiance Etat/citoyens est un signe permettant les échanges ne créant pas de richesses. Au contraire, la thésaurisation et la spéculation dans les valeurs refuges comme l’or, certaines devises ou certaines matières premières sont nocives à toute économie. Selon les statistiques du FMI de 2009, l’Algérie disposait, courant 2009, de 173,6 tonnes d’or avec une valeur en termes de lingots de 6,07 milliards de dollars, soit 4,3% des réserves de change de l’époque, et au cours d’août 2011 un montant de 9,11 milliards de dollars, soit un gain net de plus de 3 milliards de dollars entre mars 2009 et août 2011.
Depuis le montant a vraisemblablement augmenté mais le ratio global stable ou en très légère augmentation puisque les réserves de change sont estimées à 160 milliards de dollars en juillet 2011 officiellement et plus de 173 milliards de dollars selon les statistiques internationales, posant d’ailleurs le problème de la transparence de la gestion des réserves de change.
QUELLE EST LA PLACE DE L’OR DANS L’ÉCONOMIE MONDIALE
Les réserves internationales d’un pays sont, généralement, l’ensemble des disponibilités composant le portefeuille des actifs que sa Banque centrale détient (devises, or, droits de tirages spéciaux (DTS)). L’or coté en once (troy ounce) (1 once = 31,1034768 g) est échangé sur le marché des métaux précieux, principalement sur les places de New York, Londres, Zurich et Hong Kong. L’or étant indéfiniment réutilisable et pratiquement indestructible, la quasi-totalité des tonnes d’or extraites depuis les débuts de l’humanité est toujours existante. La dernière effectuée en 2009 l’estime à environ 161 000 tonnes. Au total les mines produisent environ 60% de l’offre mondiale, les 40% restants proviennent du recyclage et des reventes de stocks (banques centrales). Je précise que jusqu’aux années 80, l’Afrique du Sud procurait plus de la moitié de l’or mondial, mais depuis 2007, la Chine est devenue nation productrice.
En effet, sur un total, 2 356 tonnes de production minière mondiale (dernier recensement datant de 2008) et départagée en 6 principaux pays (classés par ordre de production) : Chine 12,2%, USA 9,9%, Afrique du Sud 9,8%, Australie 9,6%, Pérou 7,4% et la Russie 7%. Le cours de l’once d’or a évolué ainsi : en moyenne annuelle 2001 de 300 dollars, 2004 de 400 dollars, 2005 de 600 dollars, 2008/ 2009 moyenne fluctuant entre 800/1000 dollars. En juillet et août 2011, avec la crise grecque dans la zone euro et la crise de l’endettement américain, il a franchi plus de 1600. L’once d’or est cotée exactement le 02 août 2011 à 1625 dollars. A la Bourse de Paris, le lingot d’or (1 kg) était coté autour de 10 000 euros en 2004, il a avoisiné les 25 000 euros en 2009 (35.000 dollars) et sa valeur le 02 août 2011 est de 36.901 euros soit 56.660 dollars.
L’or a servi d’étalon monétaire exclusif avec les accords de Bretton Woods instaurant le système monétaire international en 1945 (Gold Exchange Standard) avec le dollar comme monnaie internationale défini en un certain poids d’or et les autres monnaies en dollars. En 1971, avec le Président Nixon, les États-Unis suspendirent la convertibilité du dollar vis-à-vis de l’ or et en 1976 les accords de la Jamaïque démonétarisent l’or qui dès lors n’a plus de rôle monétaire officiel expliquant d’ailleurs l’expansion du déficit budgétaire américain, les USA faisant jouer la planche à billets. Selon le World Gold Council, de mai 2011, le premier détenteur d’or sont les USA avec 8133,5 tonnes, le deuxième l’Allemagne avec 3407,6 tonnes, le 3ème le FMI avec 3005,3 tonnes, le 4ème l’Italie avec 2451,8 tonnes, le 5ème la France avec 2435,4 tonnes, le 6ème la Chine avec 1054 tonnes, le 7ème la Suisse avec 1040,1 tonnes, le 8ème le Japon avec 765,2 tonnes, le 9ème les Pays-Bas avec 612,5 tonnes, le 10ème la Russie avec 607,7 tonnes, le 11ème l’Inde avec 557,7 tonnes et le 12ème la BCE avec 501,4 tonnes. Ce classement permet de constater que les pays avec les plus grandes réserves d’or ne sont pas forcément ceux qui ont un fonds d’état important.
La preuve avec l’Arabie Saoudite qui se situe à la seizième place du classement des pays par réserves d’or tandis que son fonds souverain est le deuxième le plus important au monde. Selon toujours cette revue, le fonds d’état des Etats-Unis, l’Alaska Permanent Reserve Fund, n’arrive seulement qu’à la 18ème place du Classement des Fonds souverains, alors que ce pays a le plus gros stock d’or au monde. Tout comme le fonds singapourien qui est l’un des plus importants, mais dont le stock d’or est peu conséquent. L’or de l’Algérie, acheté essentiellement sous le règne du défunt Kaïd Ahmed, alors ministre des Finances (c’était un grand patriote et ministre des Finances et je tiens à lui rendre hommage), n’avait pas été mis en danger et avait montré son utilité opérationnelle en temps de crise et si l’on avait acheté de l’or en 2008/2009 les réserves de change de l’Algérie en termes de parité de pouvoir d’achat seraient en août 2011 de plus de 320 milliards de dollars US. Et le montant aurait été plus élevé si l’on avait acheté des actions dévalorisées fin 2008 dont le cours pour certains a remonté à plus de 300% courant 2011. Selon les statistiques du FMI, reprises à l’époque par une dépêche officielle de l’APS, l’Algérie disposait, courant 2009, de 173,6 tonnes d’or avec une valeur de 6,07 milliards de dollars soit 4,3% des réserves de change de l’époque et au cours de août 2011 un montant de 9,11milliards de dollars soit un gain net de plus de 3 milliards de dollars. Depuis le montant a vraisemblablement augmenté mais le ratio global stable ou très légère augmentation puisque les réserves de change sont estimées à 160 milliards de dollars en juillet 2011 officiellement et plus de 173 milliards de dollars selon les statistiques internationales posant d’ailleurs le problème de la transparence de la gestion des réserves de change.
L’Algérie arrive à la 22ème place mondiale, est ainsi le premier pays en Afrique en termes de volume de réserves en or, devant la Libye (24ème) et l’Afrique du Sud (27ème). L’Algérie se classe à la 3ème place dans le monde arabe derrière l’Arabie Saoudite (16ème avec 322,9 tonnes) et le Liban (18ème avec 281,6 tonnes). Gold Mining Algeria (GMA), filiale du groupe australien GMA Ressources chargée de l’exploitation de la mine d’or d’Amesmessa, située à 400 km au sud-ouest de la wilaya de Tamanrasset, en partenariat avec Sonatrach qui détient une part majoritaire de 52% dans le capital de la Spa Enor à travers sa filiale Gold Mining Algeria qui a dû recourir à une ouverture de son capital afin de pouvoir financer son plan d’investissement en Algérie en cédant une part de 9% à la firme égyptienne Asec Mining pour un montant de 1,9 million de livres sterling, fait état pour l’exercice 2009 (repris par l’agence officielle APS) d’un taux de production aurifère à partir de la mine d’Amesmessa de 32 601 onces d’or pour une valeur au cours de 2009 (900 dollars) d’environ 52 millions de dollars au cours de août 2011, somme dérisoire par rapport aux exportations d’hydrocarbures.
La production aurait été plus importante puisque selon les données officielles de l’entreprise ENAOR a exporté 848 kg d’or (valeur de 48.200.000 de dollars au cours d’août 2011) alors que le marché local a consommé 208,78 kg de ce métal précieux soit une différence de 7 millions de dollars par rapport au communiqué de GMA. Récemment le 18 juillet 2011 pour la firme canadienne Cancor, les résultats des travaux d’exploration menés attestent que les réserves en or de cette partie de l’extrême Sud sont « beaucoup plus importantes » qu’on ne l’imaginait. Je cite Cancor « Les résultats obtenus jusqu’à présent sont très encourageants avec d’excellentes teneurs aurifères dans de nombreux échantillons. De plus, plusieurs grains d’or visible ont été observés entre les zones filoniennes, sur de petits affleurements. La présence d’or visible dans ces secteurs suggère que les minéralisations aurifères pourraient être beaucoup plus importantes que détectées jusqu’à présent ». Mais le problème est à quel coût ?
AVOIR DES RÉSERVES D’OR ET DE DEVISES IMPORTANTES N’EST PAS UN FACTEUR DE DÉVELOPPEMENT
La monnaie rapport social traduisant le rapport confiance Etat/citoyens, est un signe permettant les échanges ne créant pas de richesses. Autrefois les tribus d’Australie utilisaient les barres de sel du fait de sa rareté comme moyen d’échange. Au contraire, la thésaurisation et la spéculation dans les valeurs refuges comme l’or, certaines devises ou certaines matières premières sont nocives à toute économie.
Avoir des réserves de change en devises ou en or est une condition nécessaire, sécuriser l’investissement et surtout éviter un dérapage plus important de la valeur du dinar par rapport aux devises où existe une corrélation d’environ 70% entre la valeur actuelle du dinar et ce stock de devises via la rente des hydrocarbures, sinon le dinar flotterait à plus de 300 dinars un euro. Mais ce n’est pas une condition suffisante d’un développement durable et surtout provenant d’une rente, solution de facilité de la dépense monétaire sans impacts pouvant conduire au syndrome hollandais avec une corruption généralisée. Si la Chine a des réserves de change estimée à mars 2011 par les organismes internationaux à 3045 milliards de dollars dont 30% en bons de trésor américain ce qui permet d’éviter une chute brutale tant des bons de trésor que de la valeur du dollar en contrepartie d’exportation chinoise vers les USA, suivi du Japon 1140, de la Russie 525, de l’Arabie Saoudite 466, Taiwan 400, le Brésil 333, l’Inde 310, la Corée du Sud 307, la Suisse, 280, dont d’ailleurs une grande fraction, contrairement à l’Algérie, sont placés en fonds souverains et une autre seulement en bons de trésor américain, des grandes puissances économiques comme l’Allemagne, première exportatrice mondiale, 221, la France 173, l’Italie 164, les Etats-Unis d’Amérique première puissance économique mondiale trois fois le PIB chinois n’ont que 143 et le Royaume- Uni 143 milliards de dollars.
La leçon pour l’Algérie il est étonnant que la majorité des observateurs algériens s’appesantissent sur les réserves algériennes placées en bons de trésor américain d’environ 50 milliards de dollars et oublient que 75 milliards de dollars sont placées dans des banques centrales européennes ou dans des banques dites cotées AAA alors qu’il y a eu récemment avec la crise grecque dépréciation des obligations de bon nombre de pays européens et que certaines banques dites AAA qui ont été décotées ce qui entraîne forcément des rendements faibles, voire négatifs pour ceux garantis par les Etats, ou pertes d’une fraction du principal si les banques ont fait faillite (2). Aussi, face à cette situation de turbulences de l’économie mondiale qui touche tous les pays, le gouvernement algérien faute de prospective, assistant en spectateurs, dont l’essence de la crise est structurelle, quelle est la structuration des réserves de change entre les principales monnaies internationales : part en dollars, euros, livres sterling et yens ? Les données de 45% en dollars, 45% en euros, 5% en livres sterling et 5% en yens sont-elles justes et quelle est la part de l’or ? Que rapportent ces placements sachant que pour 2011 le taux directeur de la FED (entre 0 et 0,25% depuis 2010) et celui de la BCE (1,25% depuis avril 2011) ceux du Japon (0,5%) et de la Banque d’Angleterre (0,5%). Avec le taux d’inflation même faible, entre 1 et 2% cela donne un rendement zéro, voire négatif. Cela doit être également soit pondéré à la baisse par la dépréciation d’une monnaie (ce qui est le cas pour le dollar plus de 40% depuis le 01 janvier 2000) ou à la hausse en cas d’appréciation (cas de l’euro), les exportations d’hydrocarbures se faisant en dollars et les importations algériennes pour 60% en euros. En bref, le problème central pour toute économie est la synchronisation de la sphère réelle et financière, la dynamique économique et la dynamique sociale et pour l’Algérie utiliser d’une manière optimale ces réserves de change produit des hydrocarbures et non d’une bonne gouvernance, et du travail face à l’implacable mondialisation, afin de réaliser la transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales.
Par Abderrahmane Mebtoul
Source : Le Quotidien d’Oran