Leila Smati, star de la chaîne Al-Jazira
Leila Smati, star de la chaîne Al-Jazira, défend l’émirat du Golfe, accusé d’acheter les plus grands événements du sport mondial.Ancienne internationale algérienne de volley-ball, Leila Smati, 35 ans, est arrivée à Doha en 1996 pour participer à la fondation de la chaîne d’informations Al-Jazira, la « CNN du Golfe ». Elle fut la première femme présentatrice sportive du monde arabe, non voilée de surcroît. Francophile, cette ancienne étudiante à la Sorbonne n’ignore rien des polémiques qui ont accompagné l’attribution au Qatar de la Coupe du monde 2022 de football, puis des championnats du monde 2015 de handball. Elle défend pied à pied son pays d’adoption.
Comprenez-vous les critiques émises depuis l’attribution de grands événements sportifs au Qatar?
Non. Pourquoi les pays arabes et musulmans n’auraient-ils pas le droit de recevoir des événements leur permettant de se développer, d’aller au-devant de leurs sociétés? En 2004, l’Egypte n’avait obtenu aucune voix pour sa candidature à l’organisation de la Coupe du monde 2010 (attribuée à l’Afrique du Sud) . C’était honteux et une grande erreur quand on voit ce qui s’y passe aujourd’hui. Je connais le Qatar depuis quinze ans, je suis très fière de ce pays où la famille royale se déplace sans gardes pour aller dans des restaurants normaux.
En France, le soutien de Zidane a été perçu com me un acte de mercenaire…
C’est très injuste, d’abord parce que Zidane n’a pas besoin d’argent! Il a été un gros point fort de la candidature, son rayon de soleil. Mais le Qatar a eu la Coupe du monde pour la dimension humaine de son projet. Donner ses stades après l’épreuve participait de cela. Quant à Zidane, il est issu d’une famille et d’un quartier très modestes, il a travaillé dur pour donner vie à son rêve. C’est ça le message, bien plus que ses racines arabes. L’Occident doit changer sa façon de penser à travers les races ou les religions.
Pensez-vous que le Qatar soit victime d’un certain racisme?
Oui, un peu. C’est d’ailleurs le sentiment qui règne ici, ce qui se dit dans les journaux du pays. Mais je respecte les autres. Je peux m’asseoir avec quelqu’un qui boit de l’alcool. Je ne m’intéresse pas à ce qu’il a dans la poche, mais à ce qu’il a dans la tête.
L’attribution du Mondial 2015 de handball a aussi fait polémique. On a parlé de corruption.
J’ai été très choquée. Le handball est le deuxième sport du pays, les salles seront pleines en 2015. J’étais sûre que le Qatar allait gagner car je connais les gens très qualifiés qui ont travaillé sur le dossier. Attirer les compétitions n’est pas une affaire d’argent ou d’infrastructures. Même si je suis triste pour Paris, Londres a gagné les JO 2012 parce qu’elle a choisi des personnes sachant communiquer avec toutes les cultures.
Pourquoi le Qatar s’implique-t-il autant dans le sport?
Son altesse le cheikh Hamad ibn Khalifa al-Thani adore le sport. Il a choisi cette langue pour communiquer avec le monde. Sa stratégie est très étudiée, il n’a pas brûlé les étapes. Avant d’obtenir la Coupe du monde de football, il y a eu la Coupe du monde des moins de 20 ans, en 1995. Avant la Diamond League d’athlétisme, il y avait un simple meeting à Doha. Les Jeux asiatiques de 2006 ont été un déclic, ils ont changé le pays.
Le sort des femmes au Qatar inquiète en Occident. Cela vous choque?
La femme a tous ses droits au Qatar, même s’il peut y avoir des exceptions, comme en France où tout n’est pas parfait non plus. Savez-vous qu’il y a plus de femmes que d’hommes dans la police qatarie? L’islam nous demande de nous couvrir les cheveux. Il faut respecter la tenue traditionnelle, le voile, même si je ne le porte pas personnellement.
Amnesty International dénonce les flagellations et coups de fouet ordonnés par la justice, les condamnations pour blasphème…
Ce n’est pas juste. Le Qatar respecte tout le monde, accueille toutes les religions. Si vous êtes chrétien, vous trouverez votre église. Au Tour cycliste du Qatar, les journalistes français étaient agréablement surpris. De loin, on écrit sans savoir… Nous sommes convaincus du chemin à parcourir d’un point de vue sociétal, culturel, éducatif et sportif. Nos leaders apprennent de leurs expériences. D’ici à 2022, et même avant, le Qatar sera un très grand pays. Tout le monde rêvera de venir ici.
Source: www.lejdd.fr