L’économie algérienne d'aujourd'hui
L’économie algérienne est-elle à reconstruire ? Présentée autrement, la question serait sommes-nous sur la bonne voie et il suffit de persévérer pour se propulser, dans quelques années, au rang de pays émergent ou faut-il au contraire opérer une réingénierie globale de notre système économique et social ? Dans le domaine politique, nous sommes en train de reconsidérer le mode de fonctionnement de la globalité du système. La scène économique semble plus timide. Mis à part les débats du Cnes et la tripartite qui ne semblent pas remettre en question et en profondeur le mode de fonctionnement de notre économie, nous sommes dans un schéma de continuité. On ne semble pas envisager d’autres alternatives, d’autres schémas que ceux qui ont prévalu jusqu’à présent. Nous allons bientôt fêter le cinquantième anniversaire de notre indépendance sur un constat amer. Globalement, en matière d’économie, l’échec, sur le long terme est flagrant. Nous n’avons qu’à faire une petite comparaison avec les pays qui étaient aussi pauvres que nous (Chili, Espagne, etc.). En 1964, nous avions un PIB par habitant plus élevé que celui de la Corée du Sud. Aujourd’hui, son indicateur est plus de sept fois supérieur au nôtre. Et elle a un PIB 6,5 fois celui de l’économie nationale. Nous avons bénéficié d’une rente pétrolière supérieure de 17 fois à toute forme d’aide que la Corée a reçue. “Mais comment un pays aussi riche arrive-t-il à avoir une économie hors hydrocarbures si faible ?” Avec des politiques économiques optimales et constantes, notre PIB et notre niveau de vie auraient dû être au moins neuf fois ce qu’elles sont aujourd’hui. Sur le long terme, il n’y a aucun doute possible sur l’échec de nos politiques économiques. Je sais qu’il y a beaucoup de théories du complot qui circulent. Elles stipulent dans leur simplisme que l’Occident ne nous laisserait pas nous développer. Certes, ils ne vont pas nous faciliter la tâche. Mais s’ils pouvaient faire barrière à toute nation qui aspire au développement, l’Indonésie et la Malaisie en feraient sûrement partie. Mais pourtant ces pays ont formulé des stratégies étanches. L’Occident n’a pas pu contrecarrer leur développement.
Mais rien ne sert de se lamenter sur son sort. La seule question pertinente de nos jours est : a-t-on tiré toutes les conséquences de nos échecs passés pour repartir du bon pied et éviter les pièges du passé ? Sommes-nous enfin sur la bonne voie ? Autant on admet que le système politique a besoin d’un sérieux processus de redressement, autant on considère qu’en matière de politique économique nous sommes sur la bonne voie et que le développement est seulement une question de temps. Nous serions en train de nous propulser au rang de pays émergent. Je vous fais grâce de l’avalanche de chiffres dont les plus importants sont : le taux de croissance moyen hors hydrocarbure est passé de 1% à 5,8% après 1999, le taux de chômage de 27% en 1999 est descendu à 10% en 2011. L’inflation est maîtrisée (moins de 4%), la dette extérieure presque entièrement repayée et nous jouissions de plus de 174 milliards de dollars de réserves. Ceci dit, il ne faut pas également nier que plusieurs décisions judicieuses furent prises : le payement de la dette, la constitution d’un fonds de stabilisation des dépenses et la sécurisation des avoirs extérieurs ne sont qu’un échantillon de pratiques de bonne gouvernance. Il y en a de nombreux autres dans tous les domaines. Mais en moyenne, notre économie fonctionne-t-elle efficacement ? Je voudrais insister sur un point capital. Les économistes qui utilisent les indicateurs ci-haut (croissance, chômage, niveau des réserves, inflation), sans les compléter par d’autres, ne manqueront pas d’arriver à des résultats biaisés. Pour une économie comme la nôtre, dotée d’une rente, les conclusions seront inévitablement erronées. Je prendrai un seul indicateur, néanmoins le plus important pour illustrer l’analyse : la croissance économique. Avant la crise des subprimes, l’Algérie et la Corée du Sud avaient presque les mêmes performances dans ce domaine (autour de 6%). On fait abstraction des différences culturelles et historiques, qui bien sûr, expliquent en grande partie le différentiel de performance sur le long terme (continuité et efficacité des choix opérés). Il faut considérer les résultats en fonction des ressources consommées. En économie, nous avons deux types de croissance. Le premier est du type intensif ; c’est l’appareil de production qui crée de la valeur ajoutée (richesse) dont une partie est réinvestie pour créer plus de biens et de services. En Corée du Sud ce sont Hyundai, Samsung, LG et autres qui exportent, font des bénéfices et avec l’appui d’un système bancaire aussi performant, mobilisent des ressources pour croître plus sainement. C’est du muscle. La seconde est de type extensif : c’est une rente ou un endettement extérieur qui permet au pays de construire des infrastructures et de monter des industries. Mais dès que l’injection de ressource s’arrête, la croissance s’effondre et une crise grave s’ensuit. C’est notre cas. C’est de la graisse. Nul ne doit être fier d’une croissance extensive. Il faut s’en sortir le plus rapidement possible.
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