Le travail et les femmes aux Emirats arabes unis

Les femmes occupent aujourd’hui 47% du marché du travail, 66% des employés gouvernementaux, 10% des postes diplomatiques, et 17,5% des sièges du Federal National Council. Un « parlement » qui ne joue, certes, qu’un rôle consultatif.

Les séjours aux Emirats sont toujours l’occasion de découvertes, qui constituent autant de démentis aux clichés et idées reçues. Dimanche 26 avril, rendez-vous à Abu Dhabi, en compagnie de trois autres journalistes britannique, grec, belge et tchadien, avec Maitha Al Shamsi, ministre d’Etat. Le gouvernement des Emirats Arabes Unis compte quatre femmes, sur un total de vingt-deux membres. Madame Al Shamsi n’occupe pas un portefeuille ministériel déterminé, mais les dossiers qu’elle traite portent essentiellement sur des questions à caractère social ou familial.
Elle dirige notamment le Marriage Fund, au siège duquel elle nous reçoit ce matin. Une institution originale, sans équivalent dans d’autres pays, et qui accorde aux plus démunis une allocation d’environ 20 000 dollars pour financer leur mariage et leur installation. Une CMU nuptiale, en quelque sorte. Cette allocation n’est versée que pour une « première » union. La polygamie demeure légale, mais – dans un pays qui, depuis 43 ans, construit progressivement son identité entre tradition et ouverture sur le monde moderne – les autorités ne veulent pas donner l’impression de l’encourager.
La ministre Maitha Al Shamsi
Le Marriage Fund ne fait pas qu’offrir de l’argent. Il accompagne aussi les couples dans leur vie conjugale et familiale, dispense des conseils sur l’éducation des enfants, et intervient même en cas de conflit pour tenter de rabibocher les époux. Le divorce est parfois inéluctable. Symptôme d’une société en pleine évolution, la mésentente au sein du couple trouve fréquemment son origine dans un décalage grandissant entre des maris enkystés dans une tradition qui les avantage et des épouses qui, de plus en plus, ont fait des études secondaires ou universitaires…
Le rôle de la femme dans la société émirienne, c’est précisément l’un des thèmes du film A touch of kindness à la projection duquel la ministre nous a conviés ce matin. Un documentaire consacré à la personne de Sheikha Fatima bint Mubarak, veuve de l’Emir Zayed, fondateur des Emirats décédé en 2004, elle-même qualifiée de « Mère de la Nation » en raison de l’action caritative, sociale, éducative et sanitaire qu’elle déploie depuis des années dans le pays ainsi que dans l’ensemble du monde arabe et musulman : création d’hôpitaux, notamment de services infantiles de cancérologie, en Egypte et au Maroc, programmes de lutte contre la faim et la pauvreté en Asie et en Afrique, aide et assistance aux réfugiés syriens, à la cause palestinienne, etc.
Femmes soldats
Certains aspects apologétiques du film peuvent paraître, dans la forme, assez éloignés des standards de communication ou d’information pratiqués ailleurs, notamment en Europe. Au concert de louanges exprimé notamment par Ban Ki Moon, secrétaire général des Nations Unies et par les dirigeants de l’UNICEF et de l’UNESCO vient s’ajouter l’énumération peut-être superflue des nombreuses récompenses et distinctions internationales reçues par l’intéressée.  Mais ce film n’est pas sans intérêt.  Car en choisissant de communiquer sur certains thèmes précis, il nous parle en fait des valeurs que la société émirienne entend s’approprier et reconnaitre comme siennes. La ministre y revient souvent : sa politique reprend essentiellement les principes et la vision de Sheikha Fatima bint Mubarak. A commencer par ceux de l’éducation, et tout particulièrement celle des femmes.
Une contrôleuse aérienne
Les femmes occupent aujourd’hui 47% du marché du travail, 66% des employés gouvernementaux, 10% des postes diplomatiques, et 17,5% des sièges du Federal National Council. Un « parlement » qui ne joue, certes, qu’un rôle consultatif. Les Emirats ne sont pas une démocratie au sens occidental du mot. Et pas seulement au niveau politique de la représentativité et de la gouvernance.  Tout reste à construire en matière de libertés publiques, dans un pays où la contestation du pouvoir en place, même mesurée, peut coûter une lourde peine de prison. Dictature ? Disons plutôt, société « d’ancien régime ».
Le pouvoir tire précisément sa légitimité de son ancienneté et de n’avoir jamais été remis en cause. Mais certains « fondamentaux » rendent le pays susceptible d’ouverture et d’évolution. La structure fédérale de l’Etat – fait unique dans le monde arabe – implique une forme de pluralisme de l’exécutif  et empêche les dérives d’un pouvoir solitaire. Le cosmopolitisme fait des UAE une société ouverte sur le monde. Près de 200 nationalités y cohabitent. Enfin, on l’a dit, les femmes y occupent une place croissante.
Lieutenant-colonel
 Une séquence du film montre une école militaire… féminine. Les soldates, portant le voile islamique sous le béret militaire, défilent martialement. En pantalons. L’école a été fondée en 1990. Pour « la » lieutenant-colonel, directrice de l’école, « C’était alors un  concept totalement nouveau, mais qui nous a permis de fusionner avec la société, et aux femmes de progresser. On les trouve maintenant à des postes de plus en plus élevés ». Quelques séquences plus loin, interview de Nouf Naser Alafeefi, contrôleur aérien – première « aiguilleuse » du ciel – qui rend hommage à l’action de la « Sheikha » : « C’est à elle que je dois d’être parvenue à ce stade ». Aux Emirats aussi, la femme serait-elle l’avenir de l’homme ?
source: Oumma.com