L’alpinisme est un sport dangereux
Il y a toujours plus de morts en montagne parce que toujours davantage d’alpinistes s’exposent à des risques élevés. Ils aiment ça. La proximité de la mort rend la montagne sexy. Reconnaissons-le, sans hypocrisie. Les morts en montagne sont pas un phénomène nouveau. Ni la conséquence du changement climatique. Il se peut qu’une personne se trouve simplement au mauvais moment au mauvais endroit. Comme ce fut le cas il y a quelques jours au Manaslu, où 11 personnes ont été ensevelies par une avalanche. Prendre un peu de recul le démontre: au fil du temps, le nombre de victimes a augmenté, car toujours davantage d’alpinistes s’exposent à un risque élevé.
Le 7 juin 1921, sept sherpas sont morts dans une avalanche lors de la deuxième tentative britannique à l’Everest par la face nord. Howard Somervell, un participant à l’expédition, expliqua plus tard: «Penser que seuls des sherpas avaient perdu la vie me torturait. Pourquoi, oui pourquoi aucun de nous, les Britanniques, n’avions partagé leur destin funeste?»
En juin 1937, sept alpinistes allemands et leurs neuf porteurs furent ensevelis sous une avalanche de glace. Selon la version officielle, ils sont «morts pour l’Allemagne».
En avril 1972, alors que j’étais engagé sur la face sud du Manaslu, je recevais l’information par radio – notre seul lien avec le monde extérieur – que 15 alpinistes sud-coréens et leurs sherpas avaient été ensevelis par une immense avalanche sur le versant nord de la montagne, à seulement quelques kilomètres de notre position. En 1979, je me trouvais moi-même avec quelques amis sur le versant nord du Manaslu. La face était chargée par des accumulations de neige. Dans les Alpes, nous aurions sans doute renoncé à l’ascension. Trois de nos sherpas ouvraient la voie quand une avalanche se déclencha au-dessus de nous. Ils furent emportés et ensevelis mais purent être dégagés et sauvés à temps, grâce à l’aide d’un ami américain. Nous avons aussitôt interrompu l’expédition. Deux semaines plus tard, notre camp de base était enfoui sous deux mètres de neige par une avalanche.