Des Indiens nettoient l’Himalaya
L’Himalaya a un problème avec les déchets. Des sommets de l’Everest aux collines en contrebas, la chaîne de montagnes séparant le plateau tibétain du sous-continent indien est jonchée de détritus laissés par des visiteurs imprudents. Du côté indien, un groupe de volontaires tente de changer les habitudes en organisant des « treks de nettoyage ».
L’organisation Healing Himalayas a été fondée en 2016 par Pradeep Sangwan, un ancien citadin qui s’est installé dans la région montagneuse de l’Himachal Pradesh, en 2009, après s’être découvert une passion pour le trekking.
« Les scènes de films de Bollywood tournées dans l’Himalaya ont attiré beaucoup de monde »
Je devais entrer dans l’armée, mais j’ai raté l’entretien. Après ça, j’étais un peu perdu et le trekking me faisait vraiment du bien – chaque fois que je partais en excursion, j’avais l’impression que cela m’aidait à surpasser tous les problèmes que je pouvais avoir dans ma vie. Lorsque j’ai déménagé à Himachal Pradesh, je suis devenu guide pour une entreprise de « trekking aventure ».
Mais rapidement, je me suis mis à chercher un moyen de « rendre quelque chose » à l’Himalaya, parce que je me sentais vraiment redevable. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à nettoyer les chemins de montagne – par moi-même au début.
À partir de 2008, puis en 2009, il y a eu une petite révolution en Inde : les gens ont commencé à voyager davantage et à découvrir les joies de la randonnée. Dans des films de Bollywood comme « 3 Idiots », des scènes ont été tournées dans l’Himalaya. Cela a attiré beaucoup de monde et, soudainement, certains sites pittoresques ont vu une augmentation massive du nombre de visiteurs.
Tout le monde voulait y aller pour poster des photos sur Facebook et Instagram. Or, dans ces zones reculées, il n’y a ni toilettes ni poubelles, et elles se sont retrouvées recouvertes de bouteilles d’eau, de canettes de soda, de paquets de biscuits, etc. Le trekking étant un loisir vraiment nouveau en Inde, beaucoup de randonneurs ne savent même pas comment monter une tente. Et encore moins comment éliminer correctement leurs déchets. Environ 20 % des randonneurs sont des étrangers : en général, ces derniers sont plus habitués à cela, car ils viennent de pays où la randonnée est plus ancienne.
« En deux jours, nous pouvons ramasser 8 000 bouteilles »
Avec des amis et quelques bénévoles – des habitants de la région mais aussi des citadins qui s’y rendent pour le week-end –, nous partons chaque semaine en randonnée en petits groupes d’environ 20 à 25 personnes.
Nous travaillons entre 2 500 mètres et 5 100 mètres. Certaines de nos excursions les plus faciles se limitent à trois ou quatre kilomètres de marche. La plus longue s’étale elle sur 70 km. Pour donner un exemple, en seulement deux jours, nous pouvons ramasser environ 8 000 bouteilles en plastique. L’année dernière, nous comptabilisions près de 400 000 kilos de déchets collectés depuis notre première sortie. Aujourd’hui, cela doit atteindre les 500 000 kilos.
Si nous partons pour une randonnée de 15 kilomètres, cela fait en réalité presque 30 kilomètres. Car lorsque vous nettoyez, vous devez monter et descendre les flancs des collines pour ramasser les déchets qui se sont retrouvés au-delà des sentiers à cause du vent ou de la pluie. Certains détritus sont même très difficiles à attraper, notamment les imperméables jetables oranges ou jaunes : ils sont légers et peuvent s’envoler très loin. Ils sont de couleurs si vives qu’ils gâchent vraiment le paysage ! Nous encourageons les randonneurs et les pèlerins (il y a de nombreux temples dans les montagnes) à acheter des imperméables qu’ils ramèneront chez eux, ainsi que des bouteilles d’eau réutilisables.
Nous redescendons ensuite dans les villages avec les détritus ramassés et nous organisons leur transport vers une usine de traitement des déchets. Il n’y en a qu’une seule dans la région. Il faut donc parfois faire plus de 100 kilomètres en voiture. À l’usine, le plastique est converti en électricité et tout ce qui peut être recyclé est recyclé.
« Certains habitants étaient dubitatifs »
Au début, quand nous avons commencé ces treks, certains habitants étaient un peu dubitatifs. Ils craignaient que ce soit juste une mode passagère qui ne durerait pas, ou que nous allions venir leur donner des leçons comme le font certaines ONG. Puis, ils nous ont vus poursuivre ces événements, week-end après week-end. Finalement, beaucoup d’entre eux nous ont rejoints. Et ils ne participent pas seulement pour prendre un « selfie » : la plupart sont très croyants et tiennent à garder la montagne propre parce qu’ils sont attachés à ses sentiers qui mènent aux temples.