Hip hop en Arabie saoudite
Un rare spectacle de hip hop a enflammé cette semaine une foule de jeunes à Riyad, une révolution en Arabie Saoudite, et des responsables ont évoqué l’ouverture d’une nouvelle ère dans ce royaume musulman ultraconservateur.
Ailleurs dans le monde, cela aurait été une soirée normale mais dans un pays islamique sans cinéma, sans théâtre et où la puissante hiérarchie religieuse contrôle tout, le spectacle d’iLuminate est apparu comme un signe annonciateur de bouleversements, déjà perceptibles sur les réseaux sociaux.
L’Autorité saoudienne du divertissement a confirmé que les choses étaient en train de changer. Elle a programmé pour les prochaines semaines divers spectacles allant de « WWE Wrestling » (catch) à des représentations musicales d' »Arabs Got Talent » (« Les Arabes ont du talent ») en passant par un festival gastronomique, une comédie ou une compétition de sport automobile « Monster Jam ».
Un pays où le cinéma est banni
« Cela annonce une nouvelle ère en Arabie saoudite », a estimé Ahmed al-Hemedy, 27 ans, qui a assisté au spectacle iLuminate avec des amis. « Je ne m’attendais pas à vivre un moment aussi magnifique », a-t-il ajouté, en se demandant pourquoi ce genre de divertissements n’avait pas été organisé plus tôt. « Le spectacle était formidable ! »
Les danseurs d’iLuminate se sont produits sur une scène plongée dans le noir et on ne pouvait apercevoir leurs silhouettes que grâce à leurs costumes lumineux.
Pourtant, le wahhabisme, doctrine rigoriste de l’islam sunnite en vigueur en Arabie saoudite, rechigne à la musique, comme il interdit la peinture reproduisant toute forme humaine. Quant au cinéma, il est banni depuis que des fondamentalistes armés ont occupé temporairement en 1979 la Grande mosquée de La Mecque pour s’opposer à ce qu’ils percevaient comme une modernisation de la société.
Des hommes et des femmes assis ensemble devant le spectacle
Cependant, jeudi soir des hommes et des femmes étaient assis ensemble dans l’amphithéâtre de l’université Princesse Noura bint Abdulrahman, un campus réservé aux étudiantes. L’amphithéâtre a pris l’allure d’une salle de spectacle avec des sièges rouges, un balcon et un hall où on proposait nachos, pop-corn et beignets.
Les femmes dans leurs abayas noires, l’habit traditionnel qui les couvre de la tête aux pieds, ont fait la queue. Des expatriés avides de divertissements figuraient aussi parmi les spectateurs qui ont payé leurs tickets entre 50 et 900 riyals (entre 12 et 216 euros).
Salman Ziauddin, un Indien de 30 ans, s’est dit impressionné par ce spectacle, le premier depuis son arrivée dans le royaume il y a huit ans, et a espéré en voir plus.
Miral Kotb, directrice d’iLuminate, a déclaré que c’était un honneur d’apporter « un tel type d’art à cette culture différente » où le public est si réceptif. « C’est l’un des meilleurs (spectacles) que nous ayons donnés et nous nous sommes produits partout dans le monde. On a pu ressentir l’amour, l’énergie et l’excitation », a-t-elle ajouté.
Plus d’un Saoudien sur deux âgé de moins de 25 ans
Plus de la moitié des Saoudiens sont âgés de moins de 25 ans et, depuis l’an dernier, un jeune se trouve au sommet du pouvoir. Le vice-prince héritier, Mohammed ben Salmane, 31 ans, fils du souverain, est l’instigateur d’un plan ambitieux appelé « Vision 2030 » pour diversifier l’économie, trop dépendante du pétrole. Parmi ses objectifs figure le développement du tourisme et des loisirs.
« Nous sommes bien conscients que les opportunités culturelles et de divertissement ne reflètent pas les aspirations croissantes de nos citoyens et des résidents », ont admis les auteurs de « Vision 2030 ».
L’ambassadeur britannique Simon Collis a loué « la nouvelle approche » saoudienne sur le divertissement. « C’est un développement très positif pour les jeunes. Cela va générer des revenus et créer des emplois. Les gens seront plus heureux », a-t-il confié après avoir assisté au spectacle. « Il y a beaucoup d’énergie. C’est le moment d’un changement significatif », a dit le diplomate.
Des centaines de personnes ont assisté chaque soir aux six spectacles qu’iLuminate a donnés à Riyad, avant de mettre le cap sur Jeddah, la capitale économique du royaume, sur la mer Rouge.
Ahmed al-Khatib, qui dirige l’Autorité du divertissement, a expliqué que son agence entendait fixer un calendrier d’activités pour toute l’année. Ainsi, « au lieu de penser où aller et ne pas avoir de choix, maintenant vous aurez trois ou quatre » évènements chaque week-end. « Les grands évènements sont à venir », a-t-il promis.