Guerre sur les sommets de l’Himalaya
Un face-à-face glacial au-dessus des nuages, un conflit absurde sur « le plus haut champ de bataille du monde ». Depuis près de trente ans, plusieurs milliers de soldats indiens et pakistanais se défient sur les sommets de l’Himalaya autour d’un des plus grands glaciers de la planète, le Siachen. Une dispute frontalière par – 60 °C, entre 4 000 et 7 000 mètres d’altitude.
Le Siachen, que revendiquent les deux grands voisins depuis 1984, est au cœur de la nouvelle série de discussions – la treizième en vingt-huit ans – qui s’est déroulée lundi 11 et mardi 12 juin à Islamabad. Malgré un coût humain et financier exorbitant, les précédentes tentatives de règlement de cette question ont toutes échoué. Islamabad et Delhi, qui s’affrontent sur la question du Cachemire, région où se situe le glacier, depuis la partition de l’Empire des Indes en deux nations en 1947, divergent toujours sur les modalités de retrait de la zone.
- Près de 8 000 victimes… surtout hors combats
Drôle de guerre que ce conflit armé où le froid et les crevasses font plus de victimes que les lance-roquettes. Selon des experts militaires pakistanais, un soldat pakistanais meurt tous les trois ou quatre jours et un Indien presque tous les jours aux abords du glacier, soit 8 000 morts depuis le début du conflit. Rares sont ceux à être tombés sous les balles de l’ennemi : la plupart sont victimes des températures, du manque d’oxygène, de dérèglements cardiaques, d’œdèmes cérébraux, d’avalanches ou de glissements de terrain… A en croire le maréchal de l’air à la retraite Nanda Harappa, 80 % des pertes indiennes sont directement imputables aux intempéries.
« Cette guerre a un côté surréaliste. On n’y meurt pas d’un coup de feu, mais des conditions climatiques », souligne Jean-Luc Racine, directeur de recherche au CNRS et vice-président d’Asia Centre. Malgré un cessez-le-feu en vigueur depuis 2003, les hommes continuent de tomber sur le toit du monde : début avril, près de 140 Pakistanais ont ainsi trouvé la mort, emportés par un glissement de terrain. En quelques secondes, 127 soldats et 11 civils qui occupaient le camp de Gayari ont été happés par une avalanche et enfouis sous une vingtaine de mètres de neige, terre et rocailles.