Forêt amazonienne, « poumon de la planète » ?
Dans un message sur les réseaux, Emmanuel Macron affirme que l’Amazonie, « poumon de la planète », produit 20% de notre oxygène. Scientifiquement, c’est malheureusement faux.
Un message, une photo… et trois erreurs. Ce jeudi 22 août, Emmanuel Macron a posté un message sur Instagram pour donner rendez-vous aux dirigeants du G7 afin de “parler de l’urgence des incendies en Amazonie.” “Notre maison brûle”, alerte-t-il sur cette catastrophe écologique.
On passera sur la photo vieille d’au moins 16 ans choisie en illustration des feux qui ravagent actuellement l’Amazonie. Mais son message lui aussi manque de rigueur. Selon le président de la République, l’Amazonie en flamme est “le poumon de notre planète qui produit 20% de notre oxygène”.
Une affirmation qui a fait tiquer un certain Louis Sarkozy. Jusqu’à maintenant, le fils de Nicolas Sarkozy et Cécilia Attias était plus connu pour ses tweets censurés que ses appétences pour la science. Mais il a des connaissances plus fines qu’on ne le pense sur la forêt.
“Pas un souffle de l’oxygène produit en Amazonie ne quitte l’Amazonie. Les incendies sont une tragédie mais l’expression poumon de notre planète est fausse”, commente-t-il en correction du message d’Emmanuel Macron.
Alors, Louis Sarkozy ou Emmanuel Macron, qui a raison sur le terrain de la science? Le HuffPost a posé la question à Alain Pave, professeur émérite à l’Université Claude Bernard Lyon 1, ex-directeur du programme Amazonie du CNRS.
Comment fonctionne un arbre?
Pour reprendre le B.A.-BA, un arbre puise avec ses racines des éléments nutritifs et de l’eau dans le sol. Avec ses feuilles, il absorbe le carbone présent dans l’atmosphère. Ensuite, avec la lumière du soleil, il transforme tous ces éléments pour fabriquer de la matière organique, du bois par exemple. Bref, il grandit. Au cours de ce phénomène que l’on appelle la photosynthèse, il produit de l’oxygène. Le tout dépend de nombreux facteurs, dont le moment de l’année. Mais on peut dire qu’un arbre mature “produit suffisamment d’atmosphère par an pour supporter deux êtres humains”, précise la chercheuse Anne Marie Helmenstine sur Thoughco.
Cet oxygène va servir à sa propre consommation. Comme nous, les arbres respirent en absorbant de l’oxygène et en rejetant du CO2. Quand on fait le bilan, un arbre produit en moyenne plus d’oxygène qu’il n’en consomme. Une forêt est donc une véritable source d’oxygène et un puits à carbone qui contribue à réguler le réchauffement climatique dans le monde.
Un équilibre précaire
Mais dans les faits, la production d’oxygène d’une forêt varie en fonction de critères complexes: l’âge des arbres, le climat, etc. Par ailleurs, ses locataires feuillus dégagent du CO2 en brûlant ou en mourant. “Et il peut même arriver qu’une forêt émette plus de CO2 qu’elle n’en absorbe”, explique Alain Pave.
Car même si la forêt produit théoriquement de l’oxygène, une forêt vieillissante, ou pire, touchée par une déforestation massive va à l’inverse produire du dioxyde de carbone plutôt que d’en stocker.
Pour nous aider à lutter contre le réchauffement climatique, c’est de jeunes arbres dont nous avons besoin, pour qu’ils capturent du carbone en poussant. Ce serait même notre meilleure arme pour endiguer le réchauffement, selon une récente étude.
La forêt amazonienne produit-elle 20% d’oxygène?
“C’est très, très optimiste”, s’amuse le chercheur qui se demande où le président a bien pu trouver ce chiffre sans fondement scientifique. “Quelques pour cent, peut-être, estime le scientifique, mais on est loin des 20%.”
L’affirmation de Louis Sarkozy n’est pas complètement juste non plus. Et surtout, il est impossible de donner un chiffre, selon Alain Pave. “Malgré un effort important de longue date, les données concernant l’Amazonie sont encore fragmentaires et imprécises. La forêt n’est pas qu’une collection d’arbres, c’est un écosystème avec d’autres végétaux, des animaux, des micro-organismes, irrigué par un système hydrologique, avec de multiples interactions. Il faut se méfier des messages simplistes et des descriptions plus
poétiques que scientifiques.”
Peut-on utiliser l’expression “poumon de la planète”?
“Aïe aïe aïe…”, réagit le scientifique devant cette formule qui fait actuellement la Une des médias. “J’étais à un sommet de l’ONU sur le climat en 1992, et déjà les scientifiques s’agaçaient de cette expression”, précise-t-il. Alors non, c’est un symbole mais ce n’est pas une image scientifiquement exacte.
Au mieux, c’est un alvéole pulmonaire parmi d’autres. Les autres forêts déjà. Si la forêt amazonienne est immense, elle ne représente que 10% des forêts mondiales également émettrice d’oxygène avec les limites citées plus haut dans cet article. “Et surtout, le producteur numéro 1 d’oxygène, c’est l’océan”, souligne le professeur. Il fournit à lui seule la majorité de “l’oxygène que nous respirons” pour reprendre l’expression de Macron. “Le poumon de la planète, c’est lui.”
On y réfléchira donc à deux fois avant d’utiliser à nouveau cette expression pour parler de l’Amazonie, mais la plus vaste forêt tropicale de la planète n’en reste pas moins notre trésor de biodiversité. Selon l’Organisation du Traité de coopération amazonienne. Un quart des espèces mondiales y sont présentes, soit quelque 30.000 espèces de plantes, 2500 de poissons, 1500 d’oiseaux, 500 de mammifères, 550 de reptiles et 2,5 millions d’insectes.