Femmes au travail, femmes au foyer ou femmes d’expatriés
Les femmes qui travaillent
Quoi qu’encore relativement bas, le taux d’emploi des femmes a connu une nette progression au cours des deux dernières décennies, passant de 30% en 1986 à 59% en 2007 pour les ressortissants de l’UE 15 (Source : Eurostat et SPF Economie – Direction générale Statistique et Information économique). Les raisons de l’expansion de l’activité professionnelle féminine sont multiples. Le niveau de culture des femmes ainsi que le développement des médias, de l’information, « mai 68 » et le développement des idéologies féministes les ont conduites à se sentir à l’étroit dans leur foyer. Certaines femmes ont envie de travailler parce qu’elles veulent avoir un niveau de vie plus élevé. D’autres raisons comme le goût pour le travail et le désir d’indépendance des femmes font leur apparition. Une meilleure scolarité et un niveau de formation de plus en plus élevé ont amené les femmes à vouloir exploiter leurs connaissances et exprimer leur potentiel en dehors du cadre familial. Mais les femmes qui travaillent doivent tout concilier : les impératifs de leur emploi, les tâches ménagères, l’éducation de leurs enfants, les désirs de leur mari et elles ont l’obligation de se montrer contentes de leur sort car dans la situation économique d’aujourd’hui, avec un taux de chômage important, elles doivent s’estimer heureuses d’avoir un travail. Psychologiquement et physiquement, il est difficile d’assumer une telle multiplicité des rôles. Les mères sont tiraillées entre la nécessité de bien faire leur travail rémunéré et le devoir d’être présentes auprès de leurs enfants. Moins les horaires sont compatibles, plus elles s’interrogent sur la validité de leur (non) choix de travailler. Elles courent d’une tâche à l’autre et se retrouvent épuisées aussi bien physiquement que psychologiquement car il est difficile d’assumer ces objectifs contradictoires.
Les femmes au foyer
La société a aujourd’hui accepté et intégré l’image de la femme qui est active, indépendante, émancipée. Une femme qui veut rester au foyer et s’occuper de ses enfants ne correspond plus à la représentation de la femme moderne. Elle va à l’encontre de ses droits durement acquis. Elle renie ce pour quoi les femmes avant elle se sont battues. L’américaine Judith Warner, dans son livre « Mères au bord de la crise de nerf » traite de la conciliation entre vie professionnelle et vie privée et de la troisième génération de femmes issue du féminisme, redevenues « mères à temps plein», enfermées dans la « tentation de la perfection ». C’est la « maternité à l’ère de la performance ». Elle raconte comment les mères américaines (et les mères françaises se reconnaissent également dans la description) ont le sentiment de ne jamais faire assez bien. Les surenchères aux activités périscolaires, aux jeux d’éveil, aux consultations spécialisées, aux goûters d’anniversaire sont le quotidien de ces mères. Mais ce qui est surtout intéressant, c’est qu’elle explique comment au début de chaque réunion avec les mères au foyer, celles-ci se montrent enjouées et ravies d’être à la maison pour s’occuper de leurs enfants. Mais au fur et à mesure de la conversation, le discours change et les mots comme stress, épuisement, malaise, peur, obsession, culpabilité, désespoir apparaissent. Ces mères se sentent psychologiquement mal, fatiguées par la situation et surtout trahies par le discours de leurs propres mères qui leur ont fait croire qu’elles auraient une vie formidable où elles pourraient concilier carrière et vie familiale. Or, plus elles ont fait des études poussées, plus il est dur pour elles de se retrouver sans vie sociale, cantonnées à la maison comme leurs arrière-grand-mères. Le problème est que l’absence aux Etats-Unis, et l’insuffisance en France, de politique sociale et la persistance de l’inégalité des chances ne leur laissent pas la liberté de choisir véritablement de travailler. Elles sont seules et ne peuvent partager leurs conflits psychologiques. Elles surinvestissent leurs enfants, ceux-ci devenant un objet de transfert, un symbole de réussite de leur fonction de mère puisqu’elles ne peuvent plus se réaliser dans un travail rémunéré. Une femme au foyer, isolée de la société, éloignée du monde du travail, a beaucoup de difficulté à souffler. Elle tourne en rond dans les problèmes quotidiens de la tenue du foyer, de l’éducation des enfants, de ses désirs non satisfaits. Elle souhaite regagner un statut, être reconnue pour son travail à la maison, s’épanouir, mettre à profit son niveau de formation. Et pourtant, elle sait que ses enfants profitent de sa présence. Ils sont moins bousculés par des horaires parfois déments dus aux impératifs d’un travail rémunéré. Ils ne commencent pas une journée en allant à la garderie avant l’école et ne la finissent pas de la même façon avant de pouvoir enfin rentrer chez eux. Elle est tiraillée entre ses besoins à elle, les besoins de ses enfants et les contraintes de la situation économique, du temps et de la réalité sociale. Et elle sait que plus elle s’attarde au foyer, plus mince sont ses chances de retrouver un emploi car elle perd des compétences et de la crédibilité vis-à-vis des employeurs.
Les femmes d’expatriées
Beaucoup de femmes d’expatriés avec enfants ne travaillent pas. Elles ont souvent quitté leur travail pour suivre leur conjoint. En plus du déracinement, des pertes de repères, de l’éloignement, de l’adaptation à l’étranger, des difficultés de la langue, le fait de devenir femme au foyer peut être un véritable choc, d’autant plus rude si elles s’épanouissaient dans leur travail. En revanche, pour celles qui avaient du mal à tout concilier, cela peut être une chance de souffler un peu, d’avoir du temps pour ses enfants, l’occasion de reprendre ou commencer une activité comme la peinture, de faire du sport, d’apprendre une nouvelle langue, de reprendre des études, de faire du bénévolat, de s’engager dans l’école des enfants… Certains couples en profitent aussi pour agrandir la famille. Pour que l’expatriation réussisse, il faut que la femme ait elle aussi un projet personnel, qu’il soit professionnel ou non. Mais à l’étranger, cela peut être plus difficile (pas de mode de garde avant ou après l’école, horaires scolaires différents, trajets plus importants entre le domicile et l’école, pas de grands-parents ou de famille à proximité pour prendre le relais, absences du mari lors des déplacements professionnels, …) ou plus facile (coût moins élevé des baby-sitters, facilité pour embaucher du personnel de maison, bus scolaire, activités et rencontres organisées par des associations d’expatriés…). Mais même lorsque les femmes d’expatriés retrouvent un emploi et à moins que l’expatriation ne soit de courte durée et provisoire, il est tout de même difficile pour les femmes de mener à bien une carrière. Comme le souligne Jean-Luc Cerdin, professeur à l’ESSEC, expert des questions de gestion internationale des ressources humaines et auteur de S’expatrier en toute connaissance de cause (Editions Eyrolles, 2007), « Le plus souvent – même si l’inverse existe aussi – c’est la femme qui abandonne son poste pour suivre son compagnon. Mal vécue, cette situation peut mettre en danger la réussite de la mission car le collaborateur qui rentre le soir d’une journée de travail chargée va se retrouver face à une compagne insatisfaite, étouffant dans sa cage dorée. Ce cas de figure peut conduire à bien des drames personnels et/ou professionnels ». C’est pourquoi l’expatriation doit être un projet mûrement réfléchi et un choix fait à deux.