Expédition en Antarctique au XXe siècle
Le 14 janvier 1911, les Norvégiens, conduits par Roald Amundsen, arrivent dans la baie des Baleines. Ils débarquent alors dans ce port naturel de l’Antarctique avec leurs chiens. Là, ils se lancent dans une course au pôle Sud avec les Britanniques.
« 12 septembre, mardi. Guère de visibilité. Vilaine brise venant du sud. -52 °C. Les chiens souffrent manifestement du froid. Les hommes, engourdis dans leurs vêtements gelés, plus ou moins satisfaits après une nuit dans le gel… peu d’espoir d’un redoux. »
L’auteur de cette mention laconique dans un journal de bord est Roald Amundsen. L’explorateur norvégien s’était rendu célèbre cinq ans plus tôt, en étant le premier à naviguer à travers le mythique passage arctique du Nord-Ouest, entre l’Atlantique et le Pacifique.
Il se trouvait cette fois à l’autre bout de la planète, dans l’Antarctique, convoitant le prix le plus prestigieux qu’offrait encore le monde de l’exploration : le pôle Sud.
Préparée avec méticulosité, cette entreprise hardie était aussi le fruit du hasard. Deux ans auparavant, Amundsen échafaudait des plans pour étendre son exploration de l’océan Arctique et se laisser dériver jusqu’au pôle Nord.
Il reçut alors la nouvelle que Robert Peary avait annoncé l’avoir déjà atteint (ce qui fut ensuite contesté). À cet instant, racontera plus tard Amundsen, « je décidai de modifier mon objectif, de changer du tout au tout, et d’aller vers le sud ».
Amundsen escomptait que la conquête du pôle Sud lui assurerait la gloire aussi bien que le financement des explorations suivantes. Faisant semblant de se préparer pour le Nord, il organisa secrètement son départ pour le Sud.
Mais parvenir le premier au pôle Sud n’allait pas de soi. Commandée par le capitaine Robert Falcon Scott et entourée d’une abondante publicité, une expédition britannique s’y destinait également. Amundsen n’ignorait rien des ambitions de son rival.
La note du 12 septembre 1911 dans son journal de bord en témoigne : tenaillé par l’idée que Scott pourrait le prendre de vitesse, Amundsen alla un peu vite en besogne. Il se mit en route avant l’arrivée du printemps polaire et d’une météo raisonnable. Des chiens fort utiles moururent ; les hommes souffrirent d’engelures aux pieds qui mettraient un mois à guérir.
Ces erreurs méritent qu’on s’y attarde. Non pour blâmer Amundsen mais pour dissiper un mythe qui l’a longtemps poursuivi : il n’aurait atteint le pôle Sud que grâce à des compétences mises en œuvre sans passion, en terne professionnel qu’il était.
Un contraste frappant avec le portrait habituel de Scott : avec sa vaillante équipe britannique, celui-ci montra détermination et courage, se battit pour chaque kilomètre gagné et mourut tragiquement sur la banquise.
Le faux départ de septembre 1911 rappelle que les certitudes n’existent pas en matière d’exploration polaire. Méthodique et prudent, Amundsen était aussi dévoré par une ambition énorme, et en proie à ces mêmes impulsions et rêves d’aventure qui poussent tous les explorateurs à risquer leur vie dans des contrées sauvages.
Mais toute la grandeur d’Amundsen résidait dans sa capacité à maîtriser ces élans. Les notes de son journal l’attestent. Quatre jours après son départ prématuré, il évaluait lucidement la situation du groupe et décidait de « rentrer rapidement pour attendre le printemps. Risquer la vie des hommes et des animaux en s’obstinant à continuer une fois en route est une chose que je ne saurais envisager. Si nous devons gagner la partie, les pièces doivent être déplacées correctement ; un seul faux pas et tout pourrait être perdu. »
La faculté de retrouver et de conserver un point de vue réaliste dans la poursuite d’une chose aussi grisante qu’un rêve personnel est une qualité rare. Comme d’autres grands explorateurs, Amundsen savait quand faire demi-tour.
Un éblouissant curriculum vitae précédait l’expédition au pôle Sud de Roald Engelbregt Gravning Amundsen. Né en 1872 dans une famille de marins, armateurs prospères, il s’embarqua à 25 ans comme second sur le Belgica, dans le cadre d’une expédition scientifique en Antarctique.
Le navire se trouva bloqué dans les glaces ; les hommes d’équipage eurent l’honneur imprévu d’être les premiers à hiverner dans l’Antarctique. Démoralisés et malades, ils tinrent bon grâce au chirurgien du bord, Frederick Cook, et à Amundsen, que son journal montre pleinement conscient de son environnement.
« Quant à la tente, s’agissant de la forme et de la taille, elle est confortable, mais trop sensible au vent », remarquait-il en février 1898. Au fil des années, il apporterait de nombreuses et ingénieuses améliorations à l’équipement polaire.
Enfant, Amundsen avait lu des récits sur la désastreuse équipée du Britannique John Franklin à la recherche du passage du Nord-Ouest. Depuis, le sujet le fascinait. Il commença à échafauder des plans d’expédition arctique, tout en continuant sa carrière maritime.
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