Et si les Alpes disparaissaient ?
Pour les experts, l’écroulement du Piz Cengalo en Suisse orientale ayant tué huit randonneurs préfigure l’ampleur des phénomènes à venir dans l’arc alpin. Entre dégradation du permafrost, retrait glaciaire et épisodes pluvieux intenses, la nouvelle donne climatique va multiplier glissements de terrain, chutes de parois et affaissements glaciaires.
Les géologues l’appellent le monstre des Alpes. En rive gauche d’Aletsch (Suisse), plus grand glacier alpin, la pente menace de partir sur 1000 m. « Le versant bouge de plusieurs mètres par an », explique Eric Larose, géophysicien à l’Institut des sciences et de la Terre à Grenoble. Depuis 2016 les sentiers sont fermés et le chercheur au CNRS scrute ce paysage bouleversé. La forêt est sens dessus dessous. « Le sol est comme une pile d’assiettes posée verticalement, les fissures s’ouvrent telles des crevasses. On a l’impression de marcher sur un glacier ». Ou un champ de bataille.
Ce glissement rocheux trouve son exutoire dans un vallon inhabité à six kilomètres de la vallée du Rhône. « Si tout part d’un coup, c’est le scénario catastrophe, peu probable. Le terrain devrait s’éroder au fur et à mesure ». Mais en amont une télécabine de la station Riederalp avance de quelques centimètres par jour. On déplace sa gare d’arrivée et un pylône sur des rails. Dans trois ans elle sera condamnée.
Avec ses 160 millions de m³, le flanc instable d’Aletsch est la plus grande masse rocheuse en mouvement des Alpes. Le volume cataclysmique de sa partie superficielle est quatre fois plus important que le déjà gigantesque écroulement du Piz Cengalo qui en août dernier a provoqué une lave torrentielle, tué huit randonneurs et endommagé le village de Bondo. Depuis décembre 2011 et un précédent écroulement, un système d’alerte a permis l’évacuation préventive des populations du val Bregaglia.
Selon Eric Larose, dans l’arc alpin, plusieurs centaines de sites sont surveillés. Le flanc d’Aletsch a été truffé de GPS et un suivi sismologique enregistre les craquements de fracturation. En France, les plus visibles, car près des routes, sont les glissements de terrain de Séchilienne (Isère) ou d’Abriès-Ristolas dans le Queyras (Hautes-Alpes). Eric Larose suit également le pan de Chartreuse jusqu’au Granier, qui en janvier 2016 a perdu 170 000 m³ de rochers. Dans le Mont-Blanc 25 capteurs de température sont répartis notamment près d’infrastructures comme les téléphériques de l’aiguille du Midi et des Grands Montets ou le refuge des Cosmiques.
Source: ledauphine