Emploi jeune en Algérie

Décriés par les uns, salués par les autres, les dispositifs mis en place par l’Etat en faveur de l’emploi des jeunes n’ont pas une lisibilité aisée en termes de coûts. Peu de chiffres globaux, pas vraiment d’évaluation. Combien ça coûte en définitive ? Ici, une tentative de synthèse à partir des informations ouvertes disponibles. Les mesures adoptées en faveur de l’emploi des jeunes ont fait couler beaucoup d’encre au cours des dernières semaines sans que l’on connaisse toujours très bien l’architecture générale de ce système complexe d’aides de l’Etat, ni le niveau des ressources financières qu’il a mobilisé jusqu’ici ; et surtout qu’il devrait mobiliser à l’avenir puisque les pouvoirs publics semblent,depuis les décisions annoncées par le Conseil des ministres du 22 février dernier, avoir choisi de passer à une vitesse supérieure.
Le dispositif public d’aide à l’emploi des jeunes peut être schématisé sous la forme d’une pyramide dont le sommet est occupé par l’Agence nationale de promotion de l’emploi de jeunes. Créée en 1997, l’ANSEJ présente un bilan officiel non négligeable. Plus de 140 000 microentreprises créées en 13 ans en générant près de 400 000 emplois. On a donc une moyenne d’environ 10 000 projets par an qui ont la réputation, à tort ou à raison, d’avoir bénéficié en priorité à une catégorie de jeunes privilégiés. Entre 2008 et 2010, le nombre de projets soutenus par l’Ansej, qui a fusionné entretemps avec le mécanisme dépendant de la caisse algérienne de chômage (CNAC), a plus que doublé, passant de 10 000 à 22 000.
De création plus récente l’Agence nationale de gestion du microcrédit (ANGEM) occupe l’étage inférieur de l’édifice. Elle présente un bilan officiel d’un peu plus de 190 000 prêts octroyés depuis son entrée en activité en 2004. Le bilan 2010 de cette institution fait état de plus de 50 000 prêts accordés l’année dernière Les contrats de pré-emploi (Dispositif d’aide à l’insertion professionnelle et Contrat de travail aidé) connaissent un succès croissant. Ce dispositif mis en place depuis quelques années prend partiellement en charge les salaires des jeunes diplômés primo demandeurs d’emplois pendant une période pouvant aller jusqu’à 3 ans. Un dispositif bien assimilé par les employeurs du secteur privé qui ont recruté dans ce cadre plus de 20 000 jeunes diplômés en 2010.
La base de la pyramide enfin est représentée par les dispositifs relatifs aux « emplois d’attente » à savoir l’emploi saisonnier d’intérêt local (Esil), les travaux d’utilité publique à haute intensité de main-d’oeuvre (Tup-Himo) et l’Indemnité pour activités d’intérêt général (IAIG) qui permettaient au cours des dernières années de faire bénéficier les 200.000 jeunes employés chaque année dans ce cadre d’une rémunération mensuelle équivalente au salaire minimum. UN COÛT EN AUGMENTATION SENSIBLE Les données chiffrées sur le coût financier de ces différents dispositifs sont rarement disponibles et n’ont fait par ailleurs l’objet d’aucune évaluation d’ensemble. On peut néanmoins tenter grâce aux informations disponibles de mesurer l’effort financier consenti par l’Etat et par les institutions financières. Une des rares évaluations globales récentes est fournie par le délégué général de l’ABEF, Abderrahmane Benkhalfa, qui rappelait le 9 février dernier que « quelques 230 milliards de dinars (plus de 3 milliards de dollars) de crédits bancaires destinés au financement de la création de PME et de micro entreprises, notamment par les jeunes chômeurs, sont actuellement dans les portefeuilles des banques algériennes ».
Selon M.Benkhalfa, ces montants portent sur 150 000 projets opérationnels. Le représentant de l’Abef expliquait également que les trois dispositifs d’aide à l’emploi de jeunes sont financés « jusqu’à 65% par les banques », le financement des 35% restants étant assuré par les organismes concernés et les jeunes entrepreneurs eux-mêmes. La durée de vie moyenne de ces projets au sein des portefeuilles bancaires pouvant être estimée à 7 ou 8 ans. La contribution annuelle du secteur bancaire au cours des dernières années serait d’environ 30 milliards de dinars.Celle de l’Etat, sous forme de prêts non rémunérés accordés par l’ANSEJ, la CNAC et l’ANGEM, est environ 3 fois moins importante et se situe donc probablement autour de 10 milliards de dinars en moyenne au cours de la décennie écoulée.
Elle a augmenté sensiblement en fin de période pour atteindre un peu plus de 15 milliards de dinars pour la seule ANSEJ en 2010, selon les chiffres communiqués par cette institution. En ajoutant les financements destinés aux pré-emplois qui se situent en fin de période aux alentours de 5 milliards de dinars par an et les crédits destinés aux emplois d’attente qu’on peut estimer à 20 à 30 milliards de dinars, on arrive en fin de période à une contribution financière de l’Etat qui doit se situer entre 50 et 60 milliards de dinars par an.Ce montant devrait augmenter sensiblement au cours des années à venir en raison des décisions récentes du gouvernement. Le ministre des Finances M. Karim Djoudi chiffrait voici quelques jours le coût de ces mesures à environ 180 milliards de dinars. Une augmentation très sensible qui s’explique principalement par la « démocratisation » du dispositif ANSEJ-CNAC dont l’objectif est désormais le soutien de plus de 50 000 projets par an. Et aussi, dans une moindre mesure, par le relèvement substantiel du montant des crédits accordés par l’ANGEM.
YAZID TALEB
Source : Le Quotidien d’Oran