Dubai, eldorado des Africains

La capitale économique des Emirats arabes unis séduit les Africains, attirés par les prix imbattables des produits. Mais aussi par les opportunités d’emplois.

Si les commerçants Africains sont toujours nombreux à s’approvisionner en Chine, ils sont aussi de plus en plus tentés par Dubaï. En Afrique de l’Est notamment, il n’est pas rare de tomber sur des cartons dans les administrations mentionnant l’origine des biens achetés. Bureaux, fauteuils, ordinateurs: les Etats préfèrent de plus en plus acheter à Dubaï, plus proche, moins cher et aussi plus facile qu’en Chine.

Les lumières des grandes tours de la capitale économique des Emirats arabes unis sont synonymes de modernité et de commerce. Selon le ministère émirati du Commerce extérieur, les échanges commerciaux se sont élevés, en 2010, à 6 milliards de dollars entre les Emirats arabes-unis et ses principaux clients africains: l’Afrique du Sud, l’Angola, l’Ethiopie, le Kenya, le Nigeria et la Tanzanie.

Une sorte de caverne d’Ali Baba

Les Africains qui s’installent à Dubaï commercent avec le continent. D’autres profitent des liaisons aériennes d’Emirates Airlines pour s’y rendre régulièrement et acheter des marchandises qu’ils acheminent ensuite dans leur pays. Marché sans taxe, Dubaï est une aubaine pour les Africains à la recherche de produits à bas coût, en provenance d’Asie.

Certains Africains ont mis en place de véritables filières d’approvisionnement avec leur pays. Les émigrés africains ont aussi profité de conditions très souples pour s’y installer: les Emirats délivrent plus facilement des visas. L’instauration de zones franches permet aussi aux Africains de démarrer des affaires dans des conditions propices à l’investissement, avec peu ou pas de taxes.

L’électroménager, les voitures, les téléviseurs, téléphones et autres ordinateurs ont la cote auprès des acheteurs africains. On estime aujourd’hui que les trois-quarts des marchandises arrivées à Dubaï sont exportés. Enclavée, la République démocratique du Congo a sauté sur l’occasion depuis une dizaine d’années déjà: les Congolais de Dubaï, organisateurs du fret, ont ouvert des agences dans des villes de provinces de la RDC pour promouvoir des équipements introuvables dans le pays et bien souvent en Afrique.

Les marchandises arrivent le plus clair du temps par voie maritime au Kenya et en Tanzanie. Des Ougandais, des Kényans, des Soudanais et des Ethiopiens en ont fait autant avec leur pays depuis Dubaï.

Commerce de marchandises, mais pas que

La capitale économique des Emirats arabes unis ne fait pas que vendre à sens unique: ce hub du commerce mondial achète aussi des minéraux —diamants notamment— aux pays africains, avant de les revendre en Asie, en essayant d’en tirer de bons prix.

Les filières ont été mises en place par des Africains émigrés. En RDC notamment, les Emirats arabes unis sont devenus beaucoup plus regardants sur l’origine des pierres, afin de ne pas encourager le commerce illégal et de servir les groupes armés de la région. A Dubaï, les Africains ne sont pas restés au commerce: ils ont investi quasiment tous les champs. Mais il reste assez difficile d’évaluer le nombre d’expatriés du continent. Dubaï, une ville en chantier permanent, attire de nombreux Sud-Africains désireux de travailler dans le génie civil ou la construction comme architecte. Ils seraient, selon plusieurs estimations, entre 50.000 et 100.000.

Pour un chercheur en économie de l’université du Cap, Anthony Black, il n’y a pas de secret à l’intérêt porté par les Sud-Africains les plus qualifiés à Dubaï:  

«Ce sont surtout des salaires plus hauts qu’en Afrique du Sud qui les incite à partir.»

Généralement, les Sud-Africains arrivent après la fin de leurs études ou après une première expérience professionnelle dans leur pays.

Des salaires défiant toute concurrence

«La vie à Dubaï est si excitante, avec une population composée à 80% d’expatriés. Le luxe, les loisirs, et bien évidemment de bons salaires, en font un endroit où l’on se sent bien», confie un trentenaire sud-africain qui prévoit de rentrer au pays «dans quelques années».

Les Ouest-Africains, surtout des Camerounais et des Nigérians, sont aussi employés comme ingénieurs ou médecins. Dubaï se montre aussi généreux avec eux pour l’octroi de bourses d’études.

Place financière mondiale, Dubaï héberge les sièges de nombreuses banques pour le Moyen-Orient: Kényans, Sud-Africains, Zimbabwéens, et Nigérians y travaillent et s’y sentent comme chez eux. Pour certains, ce n’est parfois qu’une étape vers des ambitions plus grandes. Sur les chantiers, qui se comptent par dizaines, travaillent aussi des expatriés africains —surtout de la Corne du continent— mais pas aux places les plus convoitées.

Servant de main-d’œuvre, «leur nombre ne va faire qu’augmenter au cours des prochaines années», prévient Dilip Ratha, chef de l’unité migration et transferts de fonds à la Banque mondiale, au détriment de l’«émigration historique» composée d’Asiatiques, Indiens et Bangladais en tête.

«Les autorités des Emirats veulent diversifier la main-d’œuvre, dans le but de faire jouer la concurrence sur les salaires vis-à-vis des Asiatiques, devenus trop gourmands à leurs yeux», explique Dilip Ratha.

Enfin, celui qui flâne n’aura pas de mal à trouver des restaurants africains: Ethiopiens et Marocains ont en effet été les précurseurs dans ce domaine. On compte aujourd’hui à Dubaï plus d’une vingtaine d’établissements proposant la cuisine et des saveurs originaires des quatre coins du continent africain.

Arnaud Bébien

Source: slateafrique.com