Les dépenses militaires de l’Arabie saoudite
L’Institut international sur la recherche de la paix à Stockholm (Sipri) a publié en ce mois d’avril son rapport annuel sur les dépenses militaires dans le monde. Compte tenu des guerres et du terrorisme, compte tenu du très haut niveau d’insécurité qui menace le monde de déstabilisation généralisée, il n’est pas étonnant que le montant dépensé en 2015 pour l’achat d’armements atteigne 1676 milliards de dollars.
Il n’est pas étonnant non plus que les Etats-Unis maintiennent la première place avec 596 milliards de dollars ou que la Chine soit en deuxième position avec 215 milliards. L’étonnant est que l’Arabie saoudite occupe dans ce classement la troisième place avec 87,2 milliards de dollars, laissant loin derrière elle la Russie qui, bien que seconde puissance mondiale, n’a dépensé l’année dernière pour ses besoins militaires que 66,4 milliards de dollars…
Mais si l’on considère ces dépenses par rapport au nombre d’habitants, l’Arabie saoudite battra tout le monde à plate couture et s’arrogera la première place, loin de tout le monde, y compris les Etats-Unis.
Laissons parler les chiffres : la Chine a une population de 1,2 milliard et dépense pour ses besoins militaires 215 milliards de dollars, ce qui donne 180 dollars par tête d’habitant. Les Etats-Unis avec 300 millions d’habitants et 600 milliards de dépenses militaires arrivent à 2000 dollars par tête d’habitant. L’Arabie saoudite, avec 20 millions d’habitants et 87,2 milliards de dollars de dépenses militaires débourse annuellement la somme de 4360 dollars par tête d’habitants.
Pourquoi ce pays dont la population totale est moins que celle de la capitale chinoise éprouve-il la nécessité de dépenser 240 millions de dollars par jour, soit 10 millions de dollars par heure pour ses besoins militaires ? La réponse est simple. Tout d’abord, le royaume wahhabite s’estime menacé dans son existence par ce qu’il appelle « le danger chiite iranien » ; ensuite, il est engagé depuis 13 mois dans une guerre meurtrière au Yémen ; enfin, à tort ou à raison, il se considère comme abandonné par son grand allié et livré à son sort face la puissance régionale chiite, et ce depuis la normalisation des relations irano-américaines après un tiers de siècle de rupture.
Le gaspillage monstrueux des richesses saoudiennes dans l’achat d’armements s’explique essentiellement par la peur de l’Iran. Attardons-nous un peu sur ce point pour voir qui est responsable, l’Iran ou l’Arabie saoudite, de la tension permanente qui empoisonne les relations entre les deux pays, une tension qui a évolué en guerres indirectes en Syrie, en Irak et au Yémen.
Qui est responsable de cette tension, le royaume wahhabite ou l’Iran chiite ? Pour répondre à cette question, il faut répondre d’abord à une autre question : a-t-on jamais entendu un chiite qu’il soit iranien, irakien, libanais ou autre s’en prendre avec virulence aux sunnites et les traiter d’ « impies », d’ « ennemis de Dieu », de «suppôts de Satan » ? En toute franchise non. On n’a jamais entendu non plus un chiite revendiquer le monopole de la représentation de l’ « islam juste », vouant aux gémonies tous les autres rites.
La tension politico-religieuse qui a transformé la région en une terrifiante vallée de larmes et de sang n’est donc pas alimentée par l’Iran chiite, mais par le royaume wahhabite qui, depuis sa naissance, a toujours cherché à imposer par tous les moyens une version rigide, intolérante et obscurantiste de l’islam. Des milliards de dollars ont été déboursés par l’Arabie saoudite un peu partout dans le monde, mais surtout en Afrique, au Moyen-Orient et en Asie pour promouvoir la version wahhabite de l’islam, obscurantiste et takfiriste, et démoniser tous les autres rites, et en particulier le rite chiite.
Le malheur de la région est dû essentiellement à cette obsession pathologique saoudienne de remettre en permanence à l’ordre du jour une querelle religieuse vieille de 14 siècles. Le malheur de la région s’explique par la détermination des Saoudiens à utiliser leurs immenses réserves pétrolières non pas pour le développement et pour le bien des peuples, mais pour alimenter la haine religieuse et les guerres confessionnelles.
Le Yémen, le plus pauvre pays arabe, n’a pas besoin que les Saoudiens l’aident contre le « danger chiite iranien », mais contre la pauvreté et le sous-développement. A défaut de les aider à développer leur pays, ils les ont aidés à le détruire. En d’autres termes, c’est en voulant aider les Yéménites malgré eux contre « le danger chiite » que le royaume wahhabite bombarde sans discontinuer depuis 13 mois le Yémen, le réduisant en ruines.
Le malheur de la région se poursuivra aussi longtemps que durera l’obsession pathologique du royaume wahhabite de se revendiquer comme l’unique défenseur de l’ « unique version valable de l’islam ». Les guerres se poursuivront aussi longtemps que le royaume saoudien est capable de débourser 10 millions de dollars par heure pour l’achat d’armements. Elles se poursuivront au grand malheur des peuples arabes et musulmans et au grand bonheur des fabricants d’armes comme Boeing Co., General Dynamics, Lockheed Martin Corp., Raytheon Co. et les autres dont les usines tournent au rythme de 24/7.
Source: leconomistemaghrebin