Crédit à la consommation en Algérie
Supprimé en 2009 dans le cadre de la loi de finances complémentaire, officiellement pour protéger les ménages contre les risques de surendettement, le crédit à la consommation devrait être reconduit sous certaines conditions. Il ne serait plus un moyen d’encourager les importations de véhicules, mais plutôt pour booster la production locale. Certains secteurs-clés comme «l’électroménager, l’ameublement, la literie, la céramique, etc.» sont, selon Zaïm Bensaci, président du conseil national de promotion de la PME, les plus à même d’être touchés par cette décision dont on ignore encore quand elle sera définitivement prise. Le gouvernement, qui étudie cette possibilité en concertation avec le patronat et la centrale syndicale, compte ainsi redonner vie à l’entreprise nationale en alimentant son carnet de commandes et relancer, par la consommation, une croissance économique jusque-là tirée par la dépense publique.
Une démarche louable mais qui pose néanmoins des interrogations quant à la capacité de l’offre locale à répondre en quantité et en qualité à la demande nationale. D’ailleurs, le secrétaire général de l’UGTA, Sidi Saïd, a précisé le mois dernier qu’en l’absence d’une production à 100% nationale, les produits assemblés en Algérie seraient éligibles à ce dispositif.
M. Bensaci, reconnaît que les entreprises nationales «n’ont pas toutes les quantités voulues ni les qualités nécessaires. Mais, il reste positif d’œuvrer à favoriser le produit national, car il est nécessaire d’arrêter l’ouverture tous azimuts pour les produits de consommation importés».
En définitive, c’est une décision «symbolique» et de «principe qui remet en cause les produits importés».
Mais, au-delà de son aspect symbolique, qu’en est-il de sa faisabilité ? Le produit algérien a, très rarement, les faveurs des consommateurs. Surclassé par la concurrence européenne et même arabe, et aujourd’hui étouffé par l’omniprésence des produits chinois, le produit local reste victime d’une mauvaise réputation en termes de qualité, de diversité et de disponibilité.
Quid du produit local ?
Reda Hamiani, président du Forum des chefs d’entreprise (FCE), invité dans une émission de radio jeudi dernier, l’admet clairement. Le produit local ne soutient pas la comparaison avec le produit importé «ni en qualité ni en diversité», a-t-il déclaré. Ce déclin résulte de la conjugaison de plusieurs facteurs, notamment «l’absence d’innovation, de formation et de compétition» auxquelles s’ajoute «un modèle de consommation qui, profitant de l’ouverture, a opté pour des standards et des exigences de type international». Le «décalage» s’est donc creusé au fil du temps, mettant l’entreprise nationale devant un défi immense.
Pourtant, les entreprises nationales ne pèchent pas toutes par la qualité ou la fiabilité, mais même quand leur produit peut tenir tête à la concurrence étrangère, l’absence d’une «culture de marketing et de publicité» se fait sentir, selon M.
Bensaci. Une gestion «primaire au niveau de la commercialisation et de la production empêche, selon lui, le produit local de sortir la tête de l’eau.»
Car, relancer le crédit à la consommation pour les produits locaux serait, de l’avis de certains acteurs de l’économie nationale, loin de régler à lui seul le problème de la production nationale. Selon M. Bensaci, il faut aussi «décourager l’accès au produit importé». Mais comme l’Algérie est signataire d’accords internationaux, elle ne peut pas «mettre en place des taxes douanières ou des mesures de contingentement». En revanche, ce qu’elle peut faire, c’est «d’imposer des normes aux produits étrangers, durcir les conditions de transfert des devises, etc».
Le poids de l’importation
Pour Reda Hamiani, il s’agit de rendre la prise de risque liée à l’investissement «plus attractive que l’importation», car actuellement il y a «trop d’attractivité liée à l’acte d’importer et trop de difficultés liées à l’acte d’investissement». Il n’est pas question de «diaboliser l’importation pour autant, car elle aura de toute manière sa place en Algérie. Simplement, se souvenir que c’est une sortie de devises pour une économie basée sur une rente pétrolière qui ne se renouvelle pas, et surtout qu’elle ne donne pas de travail et ne crée pas de la richesse».
A titre d’exemple, le secteur électroménager, pourtant l’un des plus à même de répondre aux besoins locaux, fait face depuis quelques années à une hausse considérable des importations. L’importation de réfrigérateurs et congélateurs a fait un bond de près de 30% entre 2010 et 2011. Idem pour le secteur de l’ameublement où la production nationale, meilleure que les produits asiatiques importés, selon les professionnels du secteur, voit sa part de marché rétrécir. Les importations dans ce secteur ont augmenté de près de 15% durant ces deux dernières années.
Entre l’encouragement de la consommation locale et la limitation des importations, le salut du produit national passe par une troisième voie. Le président du FCE affirme la nécessité qu’il y ait au niveau des entreprises elles-mêmes «une démarche qualité capable de remonter la gamme qui était jusque-là produite pour qu’elle puisse supporter la comparaison».
Pour ce faire, les entreprises ont besoin, selon M. Hamiani, d’une politique de formation professionnelle et de partenariats avec des étrangers «pour conduire la recherche de qualité». Une démarche impérative qui déterminera si «dans les cinq prochaines années», le produit local sera en mesure de répondre aux besoins d’un consommateur algérien de plus en plus exigeant.
Source: Safia Berkouk pour El Watan