Arctique russe ou canadien ?
Une nouvelle phase de la bataille pour les territoires en Arctique vient de commencer. Le Canada prétend avoir des droits sur une partie du territoire arctique de Russie – la dorsale Lomonossov, alors que les chercheurs ont démontré que cette dorsale est un prolongement du plateau continental de la Russie. Le Canada a également l’intention d’inclure le pôle Nord revendiqué par la Russie et le Danemark. Un document sur ces prétentions concernant les frontières du plateau continental arctique sera bientôt envoyé à la Commission des Nations Unies sur le droit de la mer.
Les discussions sur le partage de l’Arctique se poursuivent depuis quelques années. Pour l’instant, les frontières de l’Arctique n’ont pas été définies, la région étant divisé en cinq secteurs entre la Russie, les Etats-Unis, la Norvège, le Canada et le Danemark. D’autres pays de la région souhaitent explorer les ressources que renferme l’Arctique, notamment la Suède, la Finlande et l’Islande. Et ce jeu en vaut vraiment la chandelle, car la région est riche en hydrocarbures avec des ressources de pétrole estimées à près de 90 milliards de barils. En outre, l’Arctique possède une importance militaire et stratégique, facilitant le transit maritime.
Après la ratification de la Convention des Nations Unies sur le droit maritime, chacun des 5 pays de l’Arctique avaient 10 ans pour formuler ses réclamations visant à étendre ses zones. La Norvège, la Russie, le Canada et le Danemark ont déjà adopté des projets pour motiver leurs réclamations sur une partie de cette zone. Le Canada a ratifié l’Organisation des Nations Unies à la fin de 2003. La date limite de dépôt des preuves à l’Organisation des Nations Unies expire en décembre. Ces preuves confirment le droit des pays d’explorer le fond marin de l’Arctique, qui est une extension de son plateau continental. Toutefois, les autorités canadiennes pourraient contester l’appartenance des territoires qui reviennent à la Russie dans la région, notamment la dorsale Lomonosov. Les scientifiques russes ont prouvé que la dorsale appartient au territoire russe, et seule la Russie peut en être propriétaire.
« La Commission des Nations Unies sur le droit de la mer examinera ensuite la demande et prendra une décision en faveur de l’un ou l’autre pays », explique Viktor Boïarski, l’un des directeurs de la Société géographique russe. « Cette demande nécessite une justification scientifique. La Russie et le Canada ont tous les deux déposé une demande selon les règles en vigueur. La question sera tranchée compte tenu des données objectives, obtenues lors des nombreuses expéditions russes et canadiennes. »
En 2001, la Russie fut la première de cette région à demander l’élargissement des limites de son plateau continental. À l’époque, la demande a été rejetée. Six ans plus tard, l’Institut d’océanologie (Institut Okeanologuiïa) a pu mener des recherches à bord du brise-glace Rossia dans la zone de la dorsale Lomonossov. Les explorateurs sont descendus à bord d’un submersible au fond de l’océan, y ont pris des échantillons de sol et ont installé le drapeau russe. Ils ont prouvé que la dorsale Lomonosov est une extension du plateau continental de la Russie. En conséquence, une nouvelle demande a été déposée, provoquant la colère des autres pays présents en Arctique, notamment le Canada et les Etats-Unis. Mais cette colère n’a pas été suivie par un conflit. Moscou, Ottawa et Washington ont affirmé qu’ils avaient l’intention de résoudre le « problème de l’Arctique » de manière pacifique, explique le chercheur en chef à l’Institut de l’Etat et du droit Vassili Goutsouliak.
« Il faut tenir compte du fait que la commission chargée de délimiter les limites du plateau continental ne prend pas les décisions rapidement, et tient compte de toute une série de facteurs. L’une des conditions, c’est l’absence de différends entre les Etats. Et si un état a des objections, la demande est reportée jusqu’à ce que ces différends soient résolus. En ce qui concerne le Canada, ce pays possède des droits sur son secteur du plateau continental arctique. Quant aux différends avec la Russie, ils seront résolus sur une base contractuelle. Il est peu probable que les parties vont s’adresser aux tribunaux internationaux pour résoudre l’affaire», explique l’expert.
Néanmoins, il y a une probabilité que le débat s’éternise et qu’il risque même d’arriver à un niveau diplomatique. La juridiction sur une parcelle litigieuse permettra à un pays de l’explorer et de produire des hydrocarbures, dont les réserves font plusieurs milliards de tonnes. C’est un projet pour lequel cela vaut la peine de se battre. Surtout que le président russe Vladimir Poutine a déclaré à plusieurs reprises que la Russie continuera à étendre sa présence en Arctique. Mais par le biais de relations constructives avec ses partenaires.