Arabie saoudite: les banques font le plein !
La réduction des revenus pétroliers pèse sur la liquidité bancaire disponible, ce qui présente un risque pour le système bancaire qui finance les secteurs public et privé. Alors que Ryad cherche à diversifier son économie, elle doit à tout prix rassurer pour attirer les investisseurs étrangers.
Bien que Ryad insiste sur la résilience de son système bancaire, l’Arabie saoudite se voit contrainte de mettre en place des mesures visant à « soutenir la stabilité financière ». Dans un communiqué publié dimanche, la SAMA, la banque centrale saoudienne, a annoncé qu’elle comptait injecter 20 milliards de riyals, soit l’équivalent de 4,75 milliards d’euros, dans ses banques commerciales.
À première vue, l’Arabie saoudite semble faire face à un problème de liquidité. Les dépôts des banques commerciales ont reculé de 3,3% en juin par rapport à la même période en 2015, alors qu’ils augmentaient sans interruption depuis plusieurs années. En réalité, ce recul est un simple phénomène mécanique. Dans un contexte macro-économique plus contraignant, qui s’illustre par une baisse des revenus pétroliers (l’État saoudien contribue à hauteur de 15% des ressources bancaires), le rythme de progression des dépôts a tout simplement ralenti. Un scénario déjà développé dans une note de la BNP Paribas intitulée « incertitudes sur l’évolution du crédit bancaire« publiée fin 2014.
Opération séduction de Ryad
Le problème c’est qu’une baisse des liquidités disponibles provoque une hausse des taux interbancaires sur le marché. Comme le rapporte l’agence Reuters, le taux à un an saoudien a augmenté de plus de 1,5 point de pourcentage sur les 15 derniers mois. Seulement voilà, une hausse des taux du crédit bancaire proposés au secteur privé risque de conduire au ralentissement de la progression du crédit, et donc de la croissance saoudienne, dans un contexte où le pays cherche à diversifier son économie. Toutefois, pour Christopher Dembik, responsable mondial de la recherche macroéconomique chez Saxo Bank, cette hausse n’a rien d’inquiétant. « À 1,5%, on ne parle pas d’emballement des taux. Il faudrait atteindre 3 ou 4%. »
En réalité, l’Arabie saoudite laisse sous-entendre que le fait d’injecter des liquidités dans ses banques commerciales tient davantage d’une mesure préventive. « Elle n’avait pas la nécessité de le faire », confirme l’économiste de Saxo Bank. Mais par cette initiative, Ryad envoie un signal positif aux investisseurs étrangers en leur montrant que le système bancaire est soutenu par le gouvernement. « L’Arabie saoudite cherche à être la plus séduisante pour les investisseurs étrangers. Et pour cela, elle doit avoir un marché liquide », détaille Christopher Dembik. « Ryad est dans une démarche d’ouverture de son marché pour mettre en place sa diversification économique. Elle doit impérativement accroître sa liquidité pour avoir des taux d’intérêt attractifs. »
Ryad dépendant (encore longtemps) de la manne pétrolière
Car la monarchie du Golfe, à l’origine de la guerre des prix qui a entraîné une chute des cours depuis deux ans, n’est pas épargnée par une situation ou le baril flirte péniblement avec les 50 dollars. Ses recettes issues de la manne pétrolière ont drastiquement diminué, et sont devenues insuffisantes pour financer la dépense publique. Bref, même pour le plus grand producteur au monde d’or noir, l’époque du tout pétrole appartient désormais au passé.
Ainsi, fin 2015, Mohamed Ben Salmane, le vice-prince héritier saoudien a officiellement sonné la fin de la récréation d’un régime rentier. L’État a revu ses dépenses à la baisse, en commençant par la réduction de ses subventions à l’énergie et à l’eau qui ont coûté la bagatelle de 106 milliards de dollars en 2015, selon une estimation rapportée par le Financial Times. Ce ralentissement de la dépense publique (30% en glissement annuel selon une note de la Coface en juillet 2016) a donc logiquement eu un effet négatif sur la progression du crédit bancaire.
Quelques mois plus tard, le pays a présenté les grandes lignes de son plan « Saudi Vision 2030 » qui vise à diversifier l’économie. L’une des mesures phares est l’ouverture au capital de près de 5% du géant pétrolier Aramco en 2017 ou en 2018 qui permettra la création d’un fonds souverain de 2.000 milliards de dollars, d’où la nécessité de rassurer aujourd’hui les investisseurs.
Mais ce changement de paradigme pourrait prendre des années. Malgré cette démarche d’ouverture, le pays, dépendant à 73% de ses recettes pétrolières en 2015 (contre 87% en 2014), a enregistré un déficit budgétaire record de 86,2 milliards d’euros en 2015. Cette année, il devrait atteindre 76,6 milliards d’euros.
Source: Latribune.fr