[Alpinisme] Qui était Lionel Terray ?
Retour en 1965 au pied d’une fatidique falaise du Vercors… « Je sais à peu près quand il doit revenir. Et tant qu’il est dans les temps, j’essaye de ne pas m’affoler. Évidemment dès qu’il est en retard, je me dis c’est peut-être aujourd’hui»…
Ainsi parlait Marianne Terray en 1964, dans un reportage télévisé.
«Peut-être aujourd’hui»… L’expression prit dramatiquement tout son sens un an plus tard. Quand un sinistre jour de septembre 1965, la montagne fut plus forte que son alpiniste de mari, Lionel Terray.
Terray. À son nom les passionnés des hauteurs associent le Jannu, le Makkalu, le Fitz Roy, l’Eiger et tant d’autres sommets ou parois. Les férus de littérature retrouvent eux dans la bibliothèque familiale un exemplaire des «conquérants de l’inutile». Et les autres se remémorent une photo mythique publiée maintes fois dans les journaux, celle de cet homme portant à bout de bras son compère Lachenal au retour de l’Annapurna.
Terray, un surhomme qui paraissait plus fort que la montagne. Une légende rattrapée par la réalité.
18 septembre 1965 à Chamonix. Lionel Terray vit ici au pied du mont Blanc avec sa femme et ses deux enfants. À 44 ans, il a enfin décidé de lever le pied, du moins à l’échelle d’un alpiniste. Finies les grandes expéditions de l’Himalaya jusqu’aux Andes. Mais entre deux conférences ou documentaires, pas question de rester affalé dans un fauteuil, le guide a la bougeotte. D’ailleurs c’est pour ça qu’il quitte son domicile ce samedi, pour crapahuter en compagnie d’un jeune guide, Marc Martinetti.
À Marianne il a donné un programme clair : après une course en montagne dans le Vercors, il restera à Grenoble. Le lundi il a en effet des rendez-vous d’affaires. Il refera un tour en montagne ensuite et rentrera sur Chamonix mardi soir ou mercredi matin.
Une balade dans le Vercors, en comparaison d’un 8 000 m himalayen ou d’un vertigineux sommet andin, il n’y a pas de quoi s’inquiéter pourrait-on penser. Sauf que ni le mardi soir, ni le mercredi, Marianne ne voit revenir son mari. Et le doute la gagne. «Peut-être aujourd’hui»…
Alors le mercredi, c’est elle qui donne l’alerte. Une alerte d’autant plus prise au sérieux que le lundi Lionel Terray n’a pas honoré ses rendez-vous. Marc Martinetti non plus n’est pas réapparu.
Mais comment les trouver ? On ignore les lieux exacts des courses en montagne prévues.
Alors que déjà des guides de Chamonix arrivent sur Grenoble pour participer aux recherches, on installe un QG au syndicat d’initiative de la ville. Deux téléphones ne cessent de sonner, tandis que le directeur du secours en montagne et celui de la protection civile s’organisent. Un hélicoptère a décollé pour faire des vols de reconnaissance au-dessus du Vercors. Mais scruter chaque arête, chaque paroi, ou même simplement repérer la voiture de Terray, est une gageure. À 18 h 30 un nouveau coup de fil annonce ainsi que l’appareil est revenu, sans avoir aperçu un seul indice.
Sources: Le Dauphine & La Rando